23 Novembre 2022
Quand il y a un édito à un de mes articles c'est souvent que les choses n'ont pas tourné comme il faut. D'un petit article pour servir de trame à ma présentation du film pour l'opus 22 du podcast Foutrack la Playlist, sur le genre péplum, je suis passée à quelque chose de plus... vaste. Et ça parce que l'article n'était pas tout à fait bouclé pour l'enregistrement - mais j'avais de toute façon l'essentiel. Quand je l'ai repris pour le publier en parallèle du podcast, j'ai rebalayé le film, que j'avais déjà vu deux fois, pour faire quelques captures d'écran et j'ai réalisé à quel point on s'égarait en évoquant un nanar (voire un navet pour certains critiques). Il y a matière effectivement à le qualifier ainsi, surtout si votre seule copie est en VF. Mais de fil en aiguille je suis arrivé à ceci : ce film coche « presque » toutes les cases d'un bon film d'action historique. Mais il est gâché par un comique de situation, qu'il suffirait de supprimer pour mieux l'apprécier.
Donc avant de me sauter dessus, merci de lire ce qui suit, car parfois, ça vaut le coup de creuser un peu et d'aborder certains films par des angles différents, ici par le contexte historique puisque le réalisateur lui-même a décidé de le mettre en avant avec un intertitre descriptif, que je vous traduis ci-dessous.
Bonne lecture
Vers l’an 310 après Jésus-Christ, l’histoire de Rome est une histoire d’intrigues militaires, de rivalités, de rébellions. Les invasions barbares se répètent de plus en plus nombreuses et menaçantes. Dans de nombreuses régions, les tendances séparatistes sont accentuées par l’aplatissement du sentiment d’unité de l’État, malgré l’extension de la citoyenneté romaine à tous les hommes libres à l’intérieur des frontières de l’empire, sanctionnée par la Constitutio Antoniniana.
Nous sommes en 310 après Jésus-Christ sous le règne de Constantin 1er (qui n'est jamais cité dans le film), dans l’empire romain aux frontières de la Germanie. Depuis le 3ème siècle, les barbares - les peuples germaniques, saxons, francs mais aussi slaves et asiatiques - tentent régulièrement d'envahir l'Empire romain.
L'action se passe trois ans avant la liberté de culte individuel, établie par l'empereur Constantin mettant ainsi fin aux persécutions des chrétiens (édit de Milan, 313).
Et quasiment un siècle après la rédaction en 212 de « l'édit de Caracalla » - connu sous le nom de « Constitutio Antoniniana », en français « Constitution Antonine », une des lois les plus connues de l'Empire romain. Promulgué par Caracalla*, empereur romain de 211 à 217, il accorde, à cette date, la citoyenneté romaine à tout homme libre de l'Empire qui ne l'avait pas encore acquise. Cette citoyenneté romaine est héréditaire, par la filiation et l'adoption.
Quant aux dites frontières, elles couvrent plusieurs milliers de kilomètres le long du Danube jusqu'au Rhin à gauche et la Morava à droite, en Slovaquie.
* de son nom d'empereur : Marcus Aurelius Severus Antoninus Augustus, d'où le nom d'Antoniniana et la référence à Auguste dans la voix off française de l'introduction.
Si j'ai tenu à vous présenter ce contexte, c'est pour que vous ne fuyiez pas devant le titre nanardeux, appelons un chat un chat, de ce film de Bitto Albertini sorti en 1971 en Italie. Faisons, donc remonter, un peu, le niveau de la critique, souvent dédaigneuse.
Notez que le film complet est visible en VF sur Youtube (Mais si vous avez la chance de le voir en italien, moi je n'ai pas trouvé, ce serait plus avantageux.)
Résumé très, très, très court
Nous sommes donc en 310 après JC. L'empire romain subit depuis peu les attaques récurrentes des barbares germains. Dans ce contexte, un proconsul soupçonne un gouverneur de s'être allié aux barbares pour faire tomber l'Empire romain. Et il charge un ancien gladiateur devenu tribun d'aller à Rome pour déjouer le complot.
Résumé détaillé pour mieux apprécier l'intrigue 👇
310 après Jésus-Christ, dans l’empire romain aux frontières de la Germanie.
Marzio (Brad Harris), un ancien gladiateur, élevé au rang de tribun, est envoyé à Rome par le proconsul Atilus Valerius (Alberto Farnese aka Albert Farley) pour informer le sénat d’un complot contre l’empire fomenté par le gouverneur Caius (Massimo Serato aka John Barracuda) aidé de ses complices Serius (Michel Lemoine doublé par lui-même) et Magnus (Attilio Dottesio),
Marzio, avec son ami Petronus (Paolo Rosani) dont la fiancée Diana (Adler Gray), fille du sénateur (Filippo Perego), est chrétienne et du voleur surnommé le Renard (Raf Baldassere), doit infiltrer le fort de Caius non loin de son village natal. En chemin il apprend que son père a été assassiné par Caius aidé de Magnus, en fait un ami de sa famille et surtout le père de Licia (Maria Pia Conte), sa fiancée.
Identifiés lors d'un arrêt dans une taverne (où ils sympathisent avec des auvergnats ;) ) par des traitres romains, les trois compagnons sont pris dans une embuscade. Ils sont avertis in extremis par le repenti Magnus et s’échappent, alors que Caius tue Magnus avec l’épée du gladiateur qui se retrouve accusé du meurtre. Marzio échappe encore un fois aux griffes de Caius et Serius alors qu’il rend visite à Licia.
Arrivés au fort, les infiltrés surprennent une conversation entre Caius et Serius mettant sur pied une attaque contre Valerius par les barbares. Alors que Marzio cherche un moyen de prévenir le proconsul, Caius fait aussi assassiner Serius devenu trop gourmand. Mais celui-ci a le temps avant de mourir d’avouer à Licia que c’est bien Caius qui a tué son père et non Marzio. Marzio est arrêté en écoutant une conversation entre Caius et Igor le chef des barbares avec lequel le gouverneur s’est allié pour faire tomber Valerius. Plutôt qu’une exécution sommaire, la sœur de Caius (Margaret Rose Keil) propose l’épreuve de force le jour de la Fête du feu.
Le jour J, Marzio est attaché par les bras à deux longes tirées par des chevaux. À la force de ses bras il arrive à retenir les chevaux qui menacent de l’écarteler. Vainqueur, il regagne ainsi sa liberté et finalement, réussit à rejoindre la frontière où Valérius et ses troupes sont assaillis par les barbares. Valérius est tué durant la bataille.
Pendant ce temps à Rome le sénateur a fini par envoyer des renforts mais les légions sont ralenties par le passage des Alpes enneigées. En attendant, Marzio prend les commandes de l’armée de Valerius et se confronte à celle de Caius, en espérant que ces renforts arrivent à temps pour vaincre les barbares et ces traitres de l’armée romaine. Enfin, les renforts sont là et dans un ultime duel, Marzio tue Caius.
Si vous avez opté pour le résumé détaillé qui ne fait aucune mention des scènes comiques, vous pourrez reconnaître que le scénario est assez dense.
Ce film est à classer dans le « Péplum » genre cinématographique qui a pour cadre l'Antiquité historique ou mythologique. Les empires romains et grecs sont généralement les périodes que l'on retrouve le plus, en plus des aventures homériques.
Mais ici, c'est un film d'aventures, sans magie, ni monstres colossaux. Un film qui repose sur l'action et l'aventure : combats, bagarres de taverne, infiltrations, embuscades ; et sur un scénario fait de complots, de meurtres, de traitrises, et un peu (très peu en fait ☺) de romance. Néanmoins, tous les ingrédients d'un bon film, non ?
Le film s'ouvre sur une bataille entre barbares et romains et on verra plus loin dans l'ultime confrontation que ces scènes fonctionnent très bien. Compte tenu d'un budget très restreint, je les trouve bien filmées et chorégraphiées, les costumes et les décors sont simples mais corrects - contrairement à une superproduction comme Le Colosse de Rhodes de Sergio Leone, on ne voit pas les fermetures éclairs, et on s'y ennuie moins - , et les plans larges sur les légions en carré montrent qu'on n'a malgré tout pas lésiné sur les figurants. Bon, l'histoire ne nous dit pas s'ils ont été payés, c'est vrai.
Puisqu'il s'agit de complot, on suit plusieurs personnages dont les destins s'entrecroisent ? La narration n'est pas toujours linéaire, par maladresse peut-être, mais finalement cela donne du relief aux intrigues :
Je pense par exemple au dialogue entre les trois complotistes Caius, Serius et Magnus évoquant l'assassinat du père de Marzio sans plus de détail. C'est plus tard que cet échange sera clarifié quand Marzio fera un détour par son village et apprendra la mort de son père.
La question, c'est est-ce que vous, spectateur, vous serez arrivé indemne jusque-là.
Oui parce que jusque-là vous pourrez dire que je vous survends l’œuvre. Ce n'est pas faux puisque je vous la vend sans parler de ce qui la gâche.
D'abord, je l'ai vu en version française avec tout ce que ça implique de tons et de répliques lunaires voire de prononciations aléatoires des noms des personnages.
Ensuite, parce que le film bascule dans une autre dimension, avec des scènes burlesques, humoristiques, que les italiens affectionnent dans leurs westerns spaghettis et qui se retrouvent ici, à quelques rares moments, jamais opportuns, me faisant sortir du sérieux de l'intrigue historique.
Et donc... la première fois que j'ai vu le film, j'ai surtout espéré qu'on finisse par me raconter cette histoire gauloise qui fait se plier en deux le personnage du Renard, mais qu'il n'a pas le temps de nous conter.
Il m'aura donc fallu deux visionnages (vous me trouvez courageuse ☺☺☺ ?) pour mieux apprécier ce film, en sautant les scènes humoristiques. Et je suis arrivée à la conclusion, confirmée par un troisième balayage, Que ce film aurait été très correct sans ces scènes superflues.
Puisque je vous les ai montrées ci-dessus avec mon petit montage, je ne vais pas vous mentir, j'ai souris ou ris, et même, plus je les regarde plus je me marre. Mais c'est comme regarder des extraits d'un autre film.
Alors pourquoi ?
Et bien le mystère réside d'abord dans le choix de Bitto Albertini de faire un péplum alors que la mode était passée. Alors il s'est peut-être dit qu'ajouter des scènes burlesques façon western-spaghetti, plairait aux spectateurs. C'est pourtant ça qui les a perdus. Il y en a trop peu pour prétendre à une comédie péplum, et trop pour un film historique sérieux. Résultat : un mélange des genres improbable, mal équilibré et finalement potentiellement désastreux.
Donc si vous en êtes arrivés à la scène des poulets et de rots, ne baisser pas les bras. Il restera encore deux ou trois scènes à ingurgiter... à boire... (je suis désolée, c'est ici une blague de très mauvais goût), mais la bataille finale pourrait vous récompenser d'avoir persévéré. (Ne vous attendez pas non plus à l'apothéose, quand même).
Pour la véracité histoire, le contexte est posé correctement. On a même droit aux lions lâchés sur les chrétiens même si on aurait préféré que cette scène et celle qui la précède - un combat de gladiateur - ait été plus longues.
Je reste aussi toujours intriguée par les distances parcourues par nos héros et par l'armée traitresse, qui, contrairement aux renforts espérés qui se tapent la montagne, la neige, le froid..., semblent se téléporter au-delà des Alpes. Au moins, à un instant T, la géographie et son relief sont évoqués. Mais pas assez crédible quand on pense qu'il n'y a pas que les Alpes à passer, faut-il encore traverser ce qui est de nos jours la Suisse, l'Autriche et le Liechtenstein pour remonter jusqu'au Sud de l'Allemagne ou jusqu'à la République tchèque (voir ma carte en début d'article qui situent grossièrement les frontières barbares.)
En faisant mes captures d'écran j'ai aussi repéré un figurant qui renait sur le champ de bataille après avoir été tué dans un plan précédant. ☺
Quant aux scènes du cachot et de l'épreuve de force, ce sont les seules scènes qui mettent en valeur le physique avantageux de Brad Harris. Il en fallait bien une pour cet adepte du culturisme.
Pour la vue aérienne de Rome simulée par un travelling au dessus d'une maquette, Albertini a carrément plagié la scène sur le film d'Umberto Lenzi sorti en 1964 Hercule et les mercenaires : même angle et même temps de défilement, autrement dit un pur copié-collé. Ça m'a sauté aux yeux car j'avais visionné le Lenzi la veille.
D'abord Bitto Albertini, un prénom qui va bien avec le film le plus connu de ce monsieur, Black Emanuelle (avec 1 seul M), film érotique qui débouchera sur une série de films dont nous avons parlés dans le Spécial Black Emanuelle du podcast 👉 Foutrack la Playlist de l'enfer #17.
J'ai eu l'occasion de visionner Plus venimeux que le cobra (1971), un polar à l'italienne. J'avoue avoir été un peu surprise par la chute de l'intrigue, mais le seul vrai intérêt que j'y ai trouvé ce sont les séquences dans le New-York des années 70. Ou encore Les vengeurs de l'Ave Maria (1970), un western très coloré qui a l'originalité d'avoir pour héros des forains et la musique sympathique de Piero Umiliani. Ça ne casse pas des briques pour autant. Donc si vous avez 1 film à me conseiller de ce réalisateur qui soit de meilleure qualité, je suis preneuse.
Le héros, Marzio, est interprété par Brad Harris, un acteur américain, adepte du culturisme. Il a une filmographie assez courte mais lui aussi variée : péplum, western, espionnage, policier. Si l'on s'en tient aux péplums : après une figuration dans le Spartacus de Stanley Kubrick (1960), on le retrouve dans Goliath contre les géants (1960) de Guido Malatesta, Samson contre Hercule (1961) et Hercule se déchaîne (1962) de Gianfranco Parolini, Les nuits érotiques de Poppée (1969) de Guido Malatesta et en fin de carrière, alors que la mode des péplums n'est plus, il fait une apparition aux côtés de Lou Ferrigno (vous savez.... Hulk au petit écran) en 1983 dans Hercule de Luigi Cozzi et en 1984 dans Les sept gladiateurs de Claudio Fragasso et Bruno Mattei.
Massimo Serato (Gouverneur Caius), sous le pseudonyme de John Barracuda, Alberto Farnèse en tant qu'Albert Farley (Valérius) et Attilio Dottesio (Magnus), sont les acteurs les plus aguerris. À eux trois ils comptabilisent presque 300 films avec un grand éclectisme des genres et des collaborations avec des réalisateurs de tous azimuts.
Quant à Raf Baldassarre (Renard), il est un habitué des films d'aventures, d'action et de comédie. En plus d'être un bon cascadeur il a aussi une bonne bouille souriante qui passe bien à l'écran, et clairement, pour le film qui nous occupe, c'est le plus charismatique. Notons, qu'il fait lui aussi une apparition succincte (figurative) dans le Hercule de Cozzi.
L'acteur et réalisateur français Michel Lemoine (Serius) à la triple carrière : d'abord en côtoyant de grands réalisateurs comme Maurice Tourneur, Sacha Guitry, et Jean Duvivier, puis en partant en Italie tourner quelques péplums, westerns ou films d'épouvante, avant de s'orienter quasi définitivement à partir de 1970 vers le cinéma érotique.
♦ Anecdote martienne : il apparait aussi dans le seul film martien italien des années 60 : 👉 La guerre des planètes (I diafanoidi vengono da Marte, 1966) d'Antonio Margheriti.
Enfin le beau gosse au destin tragique : Paolo Rosani (Petronus), décédé par accident ou de suicide, ça reste un mystère, en tombant de son balcon, était surtout connu en tant que mannequin. Il n'aura tourné que 6 films et un téléfilm.
Si je cite les actrices en dernier, c'est malheureusement que leurs rôles sont plus des faire valoir qu'autre chose. Toutefois dans le scénario, le personnage de Diana jouée par Adler Gray, permet d'évoquer la persécution des chrétiens par les romains. Sinon, Maria Pia Conte (Licia), a peu tourné et surtout des seconds rôles. Quant à Margaret Rose Keil (la sœur de Caius), elle a tourné dans plusieurs séries B et, comme aussi quelques-uns des acteurs cités ci-dessus, a participé à de nombreux romans-photos.
Tout ce que je relaie plus haut est assez factuel. Et avec tous les éléments en main (que je n'avais pas au premier visionnage) j'ai personnellement décidé de lui donner une nouvelle chance, à ce « nanar » italien, surtout une fois isolé de tout ce qui le gâche. Vous, lecteurs, vous en penserez ce que vous voulez et vous avez même le droit de le dire dans la partie Commentaires, ci-dessous ☺
Et puis surtout, écoutez notre podcast spécial péplums où l'on vous présente une douzaine de films 👇
Avé auditeurs, Nous sommes de retour pour un FouTrack pharaonique, antique, béni par les dieux de l' Olympe. Le péplum sera le thème du jour, chefs-d'œuvre, films historiques, bibliques et aut...
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