23 Novembre 2024
L'histoire de Florian Goujon et de tous ses collègues remonte à quelques années en arrière et débute (et se poursuit toujours) dans la caserne de pompiers de la ville de Provins en Seine-et-Marne. Oui. Florian et ses amis sont tous pompiers. Mais il est aussi guitariste et cinéphile. Aussi il s'essaie déjà à réaliser des clips pour son groupe de métal 'Hellefty' qu'il a créé en 2009 ou des films qu'il garde pour lui mais dans lesquels il impliquait déjà son entourage.
Particularité : il est autodidacte à la fois en réalisation, mise en scène, jeu d'acteur et montage et pourtant il va nous offrir un moyen-métrage, et deux long-métrages complètement fous, qui rappellent que le cinéma amateur, c'est aussi un art. Personnellement je suis entrée très vite dans son univers et je pense que cette belle aventure doit absolument continuer.
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En 2020, en plein COVID-19, Florian Goujon propose à ses collègues de participer à un moyen-métrage Collision d'après un court-métrage de son père qu'il voulait remonter à sa sauce.
Après queqlues images contextuelles de la ville de Provins de nuit, un homme s'avance dans une rue déserte. Le titre s'affiche lentement au-dessus des toits dans la nuit étoilée façon Alien (Ridley Scott,1979) sur une musique à la John Carpenter, concoctée par le réalisateur. Les couleurs sont saturées, la pluie se met à tomber, et le bâtiment d'un commissariat (image contextuelle qu'on retrouvera dans Okult) apparaît. On fait connaissance avec le Commissaire Philippe Letellier (Florian lui-même) - qui n'a pas encore de nom mais qui porte déjà la moustache longue et les rouflaquettes - en entretien avec le plaignant (Michaël Domingues) à qui on a volé sa voiture. S'ensuit interrogatoire et flashbacks qui mettront en lumière deux autres personnages : l'inquiétante Lucie Chauvin (Lola Fleury Careto) et Dieuleveut (Johan Diraison).
On sent déjà qu'il y a, à défaut de formation, une réelle inspiration qu'il puise dans sa propre culture cinématographique (Carpenter, Cronenberg, Fulci...)
Le jeu des non-acteurs est un peu récité, bien qu'ils s'en sortent pas trop mal, mais il est compensé par un scénario qui tient la route, les cadrages sont variés, le montage intéressant, la bande musicale colle à l'ambiance, et les bruitages et effets numériques sont bien dosés. Moyens techniques pour un résultat très satisfaisant : un Iphone SE 2020, une lampe torche de 1500 lumen, et iMovie comme logiciel de montage vidéo.
Et puis il y ces petits plus que j'ai adorés : Le zoom inversé réalisé avec le déploiement d'une échelle aérienne, les placements de produit gratuits, volontaires ou non car jusqu'à preuve du contraire, aucune des marques suivantes n'ont sponsorisé le film : gros plans sur une étiquette Levis, sur un stylo Bic - cette scène de jonglage a été effectuée par une doublure du commissaire (Cyrille Neau 😉) - et sur une bouteille d'eau Saint-Benoit.
Collision est disponible en bonus sur le Blu-ray Okult sorti en 2023. 👉 Voir en fin d'article.
L'histoire
En 1999, près de Roche le Château (j'espère que vous avez la 👉 ref*), dans une immense forêt appelée Colline de la Forêt Noire, quatre femmes disparaissent sans jamais être retrouvées. Vingt ans plus tard, Joseph Duplant (Johan Diraison) accompagné de son caméraman Jean-Flo de la Patellière (Florian Goujon lui-même) et aidé du Commissaire Letellier (encore Florian), reprend l’enquête pour retrouver tous les témoins de l’affaire. Le 2e opus se passe 4 ans plus tard en raison d'évènements qui clôturent le premier film que je ne peux décemment pas révéler ici, mais qui comme le titre le laisse entrevoir ne sont pas dénués de mystère fantastique et horrifique.
* Castle Rock, la ville imaginaire du Maine des romans de Stephen King
Okult, est un film dans un film, un docu-menteur (ou faux documentaire) passionnant, en found footage, style cinématographique qui consiste à filmer caméra à l'épaule. Les moyens techniques de tournage sont identiques à Collision. Téléphone portable, budget minimaliste de 250€, logiciel gratuit de montage. Mais l'ambition de ce nouveau projet est bien plus grande. On passe de 40mn à 1h45 et cette fois le casting est beaucoup plus important mais toujours choisi dans l'environnement de la caserne de Provins : pompiers en service ou retraités.
L'idée de ce film et de ce large casting découle d'ailleurs de Collision et du plaisir qu'ont eu ses collègues de le découvrir. L'idée d'une 'suite' qui pourrait faire participer plus de monde germa et c'est ainsi que naquit Okult. En guise de suite, il s'agit surtout de reprendre les personnages du Commissaire Letellier et de Lucie Chauvin.
Évidemment, le tournage n'a pas toujours été facile. Les acteurs/figurants non professionnels sont soumis à des emplois du temps variables. Cette fois, il y a plus de scènes en extérieur et les conditions de tournages pouvaient être aléatoires voire très contrariées quand on ne peut boucler la zone et qu'il faut composer avec les bruits de voitures ou de tondeuses et la curiosité des passants. Pire : la météo. Okult se déroule en hiver mais la grande majorité des scènes a été filmée l'été alors que l'écharpe et le pull en laine, voire la doudoune étaient imposés par le scénario. Florian m'a confié que la scène de l'entrevue entre Jérôme Santiquet (Jérôme Sobo) et Letellier devant le feu de cheminée (Okult 2023) avait été une vraie torture pour lui.
Les très généreux Okult et Okult 2023 font office de magnifique leçon de cinéma amateur. Au moins de preuve que ce cinéma n'est pas mort et surtout qu'il faut l'aborder avec bienveillance. Personnellement, j'avais deux à priori : d'abord la technique du found footage qui peut vite devenir insupportable quand la caméra bouge trop et ensuite le jeu d'acteur.
Pour ce qui est du premier, j'ai vite été rassurée par la qualité du style documentaire d'investigation, reportage sensationnel, enquête immersive. Le montage de Florian Goujon est de folie. Le film est en mouvement permanent : on fait beaucoup de route, on rencontre beaucoup de personnages, on se perd en forêt, on se fait surprendre par des bruits étranges et puis il y a des meurtres quand même ! Il y a les quatre disparues mais il va y en avoir beaucoup d'autres - maquillages très sympas au passage de Jérémy Dulin - l'occasion aussi de faire preuve de créativité ou de s'inspirer des grands noms du cinéma de genre. Bien que là-dessus, Florian m'avoue qu'il n'a pas cherché volontairement à se référer à des réalisateurs ou des films particuliers. Mais en tant qu'autodidacte et sensible aux techniques de cadrages, il a instinctivement su ce qu'il fallait faire. C'est une réussite.
Pour ce qui est du jeu, oui, oui, je n'aurai pas cru pouvoir m'immerger dans de telles conditions et pourtant, il suffit de regarder le film - et d'échanger avec Florian Goujon - pour comprendre un truc énorme : ce qu'il se passe autour d'Okult et de sa suite, c'est un engouement incroyable de ses amis et collègues pour son projet. Sous son impulsion passionnée, il réussit à les entraîner, même quand ces derniers n'avaient pas tous les éléments du scénario. Tous lui ont fait confiance et étaient prêts à participer avec ou sans réplique.
Car c'est avant tout une histoire de copains, et ensuite de collègues. C’est comme ça qu’on voit les choses. La profession nous a réunis et on s’entend tous très bien. C’est aussi simple que cela. Il y a par exemple des rapports de hiérarchie qui sont occultés (sans jeux de mots) pendant le tournage.
Et je crois qu'inconsciemment, j'ai dépassé le cadre de l’œuvre cinématographique et des codes généralement imposés pour m'attacher à tous ces participants. À la fin du deuxième opus, j'avais l'impression de les connaître. En tout cas, d'avoir bien perçu cette générosité à vouloir partager l'expérience avec Florian. Le manque de justesse, finalement, on l'oublie. Et puis, on compatit aussi. Il suffit de voir les bêtisiers en bonus sur les deux blu-rays pour comprendre, qu'entre fous rires et agacements, tout le monde joue le jeu à fond.
Petite mention spéciale pour Johan Diraison qui tient le premier rôle, celui du journaliste investigateur Joseph Duplant. Je dois dire qu'il fait vraiment bien le job. Amateur aussi, son jeu est correct. Soit qu'un acteur sommeille vraiment en lui, soit parce qu'il est le plus sollicité étant dans presque toutes les scènes, lui permettant d'ajuster mieux ses intonations, contrairement à ses amis qui ont de plus courtes interventions. C'est important car c'est quand même lui qui porte le film et il s'en sort très bien.
Anecdote : on l'entrevoit rapidement déjà dans Collision où il tient le rôle de la victime. Et sa photo est montrée au suspect.
Quant à Florian Goujon, en tant que Jean-Flo de la Patellière, le cameraman, on ne fait que l'entrevoir. Par contre, il joue aussi le personnage du Commissaire Letellier. Il se crée vraiment une autre tête en se laissant pousser cheveux, moustaches et rouflaquettes qui ne font pas partie de son look habituel. (Moi je l'aime bien comme ça mais chuuuttt 😁). J'envoie aussi un clin d’œil particulier à Kevin Fiche qui m'a bien fait sourire avec son déshabillé noir sous le blouson de cuir. Tombe la veste la prochaine fois mais renfile un pantalon 😉.
J'en viens enfin aux lieux de tournage car Okult est également un film étrange, fantastique, ésotérique qui flirte avec les frontières du Mal, alors il faut que le public ait son lot de suspense et d'endroits glauques ou angoissants. (D'ailleurs à la projection pour les pompiers, quelqu'un - pas de nom - n'a pas osé rentrer seule dans ses quartiers).
La ville de Provins en Seine-et-Marne, sous le doux pseudonyme de Providence, est le point central. Là où il y a le commissariat et de nombreux lieux qui servent de point de rencontre avec les témoins à interroger. Du pied des remparts au parking de la caserne, en passant par plusieurs rues de la ville, une église, un cimetière, une maison abandonnée, jusqu'à la campagne environnante ou sur des sites urbex, cette mobilité permanente ajoute à la sensation d'aventure. Parfois il faut déambuler en forêt de Fontainebleau de nuit (Okult) ou se perdre dans un labyrinthe souterrain ou mieux dans une station RER désaffectée (Okult 2023). J'avoue on termine sur les rotules. Surtout si, en plus, on a perdu ses clés... (Private joke pour ceux qui ont vu le 1).
Si Okult posait les bases de l'enquête et était déjà très énergique, Okult 2023 dépasse les limites avec encore plus d'action et d'humour. Même si celui-ci est un peu moins bien distillé car parfois certaines punchlines sont un peu trop proches les unes des autres, on a déjà un running-gag qui s'impose avec la scène du vomi (oops 😁). Donc puisque le 3e opus est en cours de tournage, (message subliminal) on devrait/doit de nouveau retrouver cette scène... Par contre je n'ai rien compris à la lettre F qui renvoie à la clef sans F et donc indique la sortie du souterrain... qui a écrit un truc pareil 🤣?
Enfin, il a beaucoup plus de lieux différents comme la scène dans la Station K, de Noisy-le-Grand, on a une scène en avion et un saut de parachute, une collection de vieilles bagnoles (entrevue déjà dans le 1) et j'en oublie.
Vous l'avez compris, Okult sera une trilogie. L'enquête est loin d'être bouclée donc Okult 3 s'avère nécessaire et il nous reste à espérer qu'il soit autant généreux que les précédents. Pour ce que Florian m'a confié, il va prendre son temps pour chiader ce troisième volet. Il a avec ses deux premiers films identifié et corrigé quand c'était possible quelques erreurs, mais il a maintenant une expérience très riche et le recul nécessaire pour contourner certains écueils, améliorer des maladresses. Peut-être aussi qu'il pourrait demander à Lola Fleury Careto de se faire vraiment tatouer pour plus de réalisme🤣 ? En tout cas c'est tellement rafraichissant de voir que sa motivation est toujours entière. Et que ses amis sont prêts à remettre le couvert. Et qui sait, il y aura peut-être de nouvelles recrues aussi.
Si vous voulez vous aussi vous faire votre idée, Okult et Okult 2023 sont disponibles en Blu-ray. À ce propos, Florian m'a gentiment dédicacé le premier lors d'une séance de dédicaces à Paris à la boutique Metaluna. Johan Diraison et Fred Garnesson étaient aussi présents. Mais eux pensaient que j'avais pris le 2. Du coup, ils ont juste anticipé le soutien que j'allais porter à l'ensemble du projet. Vous auriez pu aussi signer pour le 3 à venir, à y être. Se méfier des pompiers extralucides 😁.
Au moment où je commençais à rédiger cet article, la caserne a appris le décès de Daniel Tonneau, leur ancien chef de centre. À l'écran, il jouait Terranova. Voici en hommage quelques mots de Florian :
Daniel Tonneau, Florian Goujon et Johan Diraison - À droite, une photo en avant première d'Okult 3 avec Florian à gauche et Daniel à droite.
Daniel était un chic type apprécié de tous, c’était une belle personne qui faisait preuve de beaucoup de générosité. Quand Johan et moi avons décidé de réaliser Okult, Daniel nous a épaulés dès le début. Il n’a pas hésité à jouer une courte scène dans le premier opus pour ensuite reprendre son rôle dans Okult 2023.
La scène de l'avion, nous avons mis un an à la réaliser. Il a du apprendre à piloter un nouvel avion (un an d’instruction) pour pouvoir être lâché en solo et nous emmener. Nous lui avons fait entièrement confiance [...] Nous retrouverons Daniel dans Okult 3, où il a tenu absolument à faire une petite scène qui est déjà finalisée.
Merci pour tout Daniel.
j'ai essayé de vous mettre en avant mais l'intégralité du casting que vous formez est trop grande. Ne m'en veuillez pas si vous ne vous retrouvez pas tous en photo ici. Je remercie Florian pour le temps qu'il m'a accordé, sa réactivité en tout point et sa gentillesse. Très belle rencontre.
Crédits textes ©2023 Erwelyn - Crédits images @2020-2023 Florian Goujon avec l'aimable autorisation du réalisateur. Ne pas reproduire sans autorisation
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