9 Décembre 2019
Dans ce volume, on retrouve des articles initialement publiés en Russie, en Amérique et en France. Alphonse Daudet y raconte son arrivée à Paris en 1857 où il rejoint son frère Ernest, sa pauvreté et les situations cocasses dans lesquelles elle peut le mettre, sa rencontre avec Villemessant, le directeur du Figaro et le début du succès. Aux éléments de sa vie, s'ajoutent des notes autour de ses œuvres et quelques portraits de personnalités et des descriptions de cafés littéraires avec Flaubert, Zola, Tourgueniev, Sand, Hugo...
Si Alphonse Daudet est né à Nîmes dans le Gard et qu'il séjourna très souvent en Provence, il passa beaucoup plus de temps à Paris et en banlieue, notamment à Champrosay (Essonne). C'est là qu'il rédigea la plupart de son œuvre. Parmi ses souvenirs, certains nous dévoilent la genèse du Petit Chose, des Lettres de mon Moulin, de Tartarin de Tarascon, de Jack ou encore de Frémont Jeune.
Ainsi comprend-t-on que l'expérience de pion vécu par Daudet et retracée dans le Petit Chose fut un véritable calvaire.
Oui, c'est bien moi, ce Petit Chose obligé de gagner sa vie à seize ans dans cet horrible métier de pion, et l'exerçant au fond d'une province qui nous envoyait de grossiers petits montagnards m'insultant dans leur patois cévenol, brutal et dur. Livré à toutes les persécutions de ces monstres, entouré de cagots et de cuistres qui me méprisaient, j'ai subi là les basses humiliations du pauvre.
Que le Tartarin de Tarascon, s'appelait initialement Barbarin, mais qu'un individu du même nom à Tarascon était monté au créneau n'admettant pas d'être rattaché à cet anti-héros naïf et caricatural. Daudet n'eut d'autre choix que de changer à la main tous les B en T de l'épreuve originale.
Ayant des tribunaux et de la justice une sainte épouvante, je consentis à remplacer Barbarin par Tartarin sur les épreuves déjà tirées qu'il fallut reprendre ligne à ligne dans une minutieuse chasse aux B. Quelques-uns ont dû m'échapper à travers ces trois cents pages et on trouve dans la première édition des Bartarin, Tarbarin et même tonsoir pour bonsoir.
Avec Jack, le parcours cruel d'un jeune enfant, l'auteur fut très largement et à juste titre comparé à Dickens. Au fond, si l'on ne connait d'Alphonse Daudet que les quelques Lettres de mon Moulin étudiées à l'école, on peut être surpris par la profondeur de ces thèmes. De même, il fut un grand auteur de théâtre.
Certes, le succès ne vint pas tout de suite et il vécut longtemps dans la précarité. S'il n'en parle pas ici, ni de sa vie privée (de son mariage en 1867 avec Julia Allard, elle aussi écrivain, de ses enfants), nous savons qu'il assura sa subsistance en devenant secrétaire du Duc de Morny demi-frère de l'Empereur Napoléon III jusqu'en 1865 à la mort du Duc. Daudet est le témoin d'une période riche historiquement : le Second Empire, la Guerre franco-allemande de 1870 et le Siège de Paris, la Commune en 1871 et le début de la IIIème République. Il croise autant d'hommes de lettres que de pouvoir dont Gambetta ou Henri Rochefort qu'il évoque ici par le biais d'une anecdote de jeunesse assez drôle et qui nous rappelle que cet homme politique était surnommé « l'homme aux vingt duels et trente procès ».
Artistiquement, Daudet ne s'intéresse pas à la peinture contrairement à la plupart de ses amis écrivains mais comme beaucoup d'Orientalistes de l'époque, voyagera plusieurs fois en Algérie dont le climat lui est conseillé pour soigner sa santé fragile ; bien plus féru de musique, il croise le chemin de Bizet qui mettra en musique sa pièce L'Arlésienne et partagera cette passion musicale avec l'écrivain russe Ivan Tourgueniev.
Ces mémoires de jeunesse sont savoureuses par les portraits, les anecdotes et les révélations sur ses méthodes de travail qui y sont détaillés. Ces dernières prennent toutefois la place d'autres souvenirs que les critiques littéraires de l'époque auraient aimé voir évoqués. L'année suivante, en 1888, Alphonse Daudet fait alors paraître une suite Souvenirs d'un homme de lettre. Au-delà de sa vie, c'est un voyage dans le temps auquel le lecteur du XXIe siècle est invité.
Alphonse Daudet Trente ans de Paris à travers ma vie et mes livres ♥♥ • Illustrations de Bieler, Montégut, Myrbach, Picard et Rossi • Marpon et Flammarion, Paris 1888 • Ce livre est tombé dans le domaine public et est disponible sur archive.org
Vous pouvez compléter cette lecture par le fascicule édité par l'association l'APROMICAV de Calvisson (Gard) en partenariat avec le GRHL de Ris-Orangis (Essonne) : Alphonse Daudet entre Gard et Essonne
Crédits images (collection personnelle) & textes ©2017-2021 Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en octobre 2017 - Ne pas reproduire sans autorisation
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