3 Juin 2022
L'histoire
Antonin Bonassou, employé des Ponts et Chaussées de Nice, a un nouveau voisin : le célébrissime détective, Paddy Wellgone. Pour gagner les faveurs de la propriétaire de l’immeuble, Bonassou accepte de répondre aux éventuels visiteurs qui viendraient en l’absence du détective. Un agent d’assurance se présente : il souhaite prouver qu’un de ses clients a maquillé son suicide en assassinat afin qu’une tierce personne touche le montant de l’assurance-vie. De fait, la police a retrouvé un cadavre atrocement mutilé sur une voie ferroviaire. Antonin Bonassou, appâté par la promesse d’une coquette récompense, accepte de mener l’enquête ... sous le nom de Paddy Wellgone ! Or le bénéficiaire de l’assurance-vie n’est autre que sa bien-aimée Sophie, et le cadavre celui de M. Montparnaud, le tuteur de Sophie. L’apprenti détective accompagné d'un nommé Dolcepiano aura fort à faire pour démêler l’écheveau.
Ce roman est paru sous forme de roman-feuilleton dans Le Journal du au constitue la première apparition du personnage Paddy Wellgone, que Magog reprendra par la suite dans la sympathique nouvelle Le testament du fantôme parue en 1921, puis dans L’escalier de feu (1922), Le masque à lunettes (1923), L'énigme des diamants (1935) et La banque mystérieuse (1935).
Voici donc, enfin, un roman policier mais qui a le mérite de dédaigner les types conventionnels du cambrioleur trop habile et du détective trop clairvoyant. [Il] offre une intrigue attachante, des péripéties dramatiques, mais vraisemblables,et un dénouement imprévu. C'est une œuvre habilement composée et contée d'une plume fort alerte.
H.J. (Henri-Jeanne) Magog est un auteur français de littérature populaire du début du 20e siècle. Il a œuvré en polar et en anticipation (voir 👉 Les buveurs d'océan). On lui doit aussi en collaboration avec Paul Féval fils, une jubilatoire fresque d'anticipation en cinq tomes (en cours de lecture) : Les mystères de demain.
Ce roman policier à l'intrigue bien ficelée, nous emmène dans l'arrière pays niçois où un corps est retrouvé écrabouillé sur la voie de chemin de fer qui passe sous le tunnel de la Mescla. Seul ses papiers sont intacts et désignent l'identité de la victime.
Les bons romans d'énigme impliquent que le lecteur lui-même soit investi dans l'enquête. Que bien malgré lui, il se retrouve aussi à vouloir démêler le vrai du faux en notant mentalement les indices. En cela l'Énigme de la malle rouge répond aux attentes d'investigation et de façon très attractive. L'écriture est fluide, les indices enchevêtrés se tiennent, et même si assez tôt (parce que grande lectrice de romans d'énigmes), j'ai compris très vite un des ressort de l'histoire, puis deux, puis trois, la révélation finale (mais non je ne vais rien dire) resta une bonne surprise. Ainsi ce roman policier rocambolesque est une très plaisante, parfois amusante, aventure en cette époque révolue où le chemin de fer cotoyait encore les calèches et les toutes premières voitures (à manivelle, s'il vous plait).
Dans le journal La Patrie du 13 août 1912 est évoqué le projet d'une adaptation théâtrale du roman de H.J. Magog par l'auteur dramatique, journaliste, romancier et scénariste Charles Guillaume Livet (1856-1919). L'acteur Henri Monteux était pressenti pour le rôle de Dolcepiano. Ce titre n'apparaissant pas dans leur bibliographie théâtrale - de Livet et de Monteux -, on peut en déduire que la pièce ne vit pas le jour.
Comme j'aime le faire lorsque le texte s'y prête, je vous emmène sur les lieux de l'intrigue et notamment sur la ligne de chemin de fer pittoresque Nice-Digne, décor principal du roman. D'autres lieux sont évoqués à Nice ou à Marseille mais je m'en tiendrai à l'intérêt touristique de cette ligne de l'ancien réseau de la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France (1886 et 1925) car elle est la seule encore existante (lire sur 👉 Wikipédia son histoire jusqu'à nos jours). Le nom d'une ancienne voie, aujourd'hui disparue, lui est aujourd'hui associé : Le train des Pignes.
À six heures, le train me laissa à la Tinée.
Pour gagner la halte de la Mescla [...], il me fallait parcourir pédestrement cinq kilomètres environ dans des gorges sauvages, entre deux murailles de rochers abrupts, qui s'écartaient juste assez pour laisser passer le Var, sur le lit duquel on avait superposé et juxtaposé la voie de chemin de fer et une petite route fort étroite.
[...]
Il n'y a, à la Mescla, ni gare ni village. C'est tout juste un nom de halte, un coin de gorge étranglé entre deux rochers et deux tunnels. Le lieu est affreusement lugubre.
La halte de la Mescla (carte postale ancienne - vers 1900) - La halte de nos jours, cachée sous les ponts routiers (2010)
[En haut du col], nous fîmes halte pour mieux plonger nos regards dans le ravin du bas duquel étaient les quelques maisons disséminées de Saint-Pierre. [...]
Une petite maison isolée, à l'écart sur la pente et pas très loin du cimetière [de Saint-Pierre] [...] Un sentier qui dégringolait presque en ligne droite vers la maisonnette, puis, plus bas, à droite du village, la route qui montait vers la Rochette.
Arrêtez-vous donc sur la place à l'hôtel Laugier.
L'ancienne porte de l'entrée des PTT qui se trouvait à gauche au rez-de-chaussée a été transformée en fenêtre. Et une ouverture sur le flanc gauche a été faite. Et hasard ou coquetterie touristique, vous remarquerez que les contrevents de la façade du bâtiment aujourd'hui sont ouverts à l'identique que sur la carte postale du siècle dernier (2e et 4e fenêtres du 2e étage).
Un peu après dix heures [...], nous nous installions à la terrasse du café* sur la place ombragée de platanes qui concentre toute l'animation de Puget-Théniers.
[...]
L'attelage venait droit vers nous. Il s'arrêta près du parapet de la rivière. Un géant grisonnant [Sargasse] sauta à terre, attacha le cheval à un platane, passa devant notre table et entra dans le café.
* Il ne s'agit pas du café de l'hôtel Laugier bien que ce dernier ait été conseillé aux héros. On suppose qu'ils n'y ont que dormi. Mais de celle d'un autre café sur la placette faisant face au pont de la Roudoule par où arrive Sargasse.
Vue de la place de Puget-Théniers depuis la rive gauche de la Roudoule avec l'hôtel Laugier à gauche, le pont, la place et les platanes
Stupéfait, je me frottais les yeux, croyant à une illusion. Mais non ! c'était bien Puget-Théniers. Je m'y trouvais mystérieusement ramené, au bas de la route de Saint-Pierre, à deux pas de l'hospice.
L'hospice évoqué par Magog et ses différentes évolutions (vers 1910 ; 1950 ; de nos jours : avec disparition du pavillon droit ;))
En 1912, l’hôpital/hospice Bischoffsheim, du nom de son mécène, (aujourd'hui Hôpital de la Roudoule) de Puget-Théniers était loin d'être fonctionnel. En projet depuis la fin du 19e siècle et mis en travaux depuis 1906, il souffrait encore d'un manque de chauffage central (qui ne sera mis en place qu'en 1933), de lingerie, d’instrument de médecine et de mobilier. Après la Première Guerre Mondiale, l’hôpital peine encore à se rentabiliser. Il faudra attendre de multiples rénovations et extensions pour que l’hôpital soit enfin optimisé. Malheureusement au détriment du bâtiment originel, pensé par l'architecte Charles Maurel. « C’est bien dommage car cet édifice, qui eut une naissance si difficile, était un témoin intéressant de l’architecture hospitalière [en pavillons] du début du 20e siècle, de sa conception, de ses techniques, de son décor, en un lieu inattendu. » écrira l'historien Luc Thévenon.
Sources :
• Plans 👉 Google Earth/Map
• Histoire de l'hôpital de Puget-Théniers 👉 Alpes Azur Patrimoine et l'article de Luc Thévenon Puget-Théniers : création et construction de l’hôpital Bischoffsheim
• Cartes postales anciennes 👉 Delcampe et 👉 Collections Alpes azur Patrimoine
• Photos La ligne du train de Pignes 👉 Formule4.com
♥ Un merci particulier pour l'agréable accueil téléphonique des mairies de Puget-Théniers et d'Entrevaux.
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