📚 HARRY HARRISON - SOLEIL VERT (MAKE ROOM ! MAKE ROOM !, 1966)

Arrière-plan : illustration d'Alan Aldridge pour l'édition de 1967 chez Penguin

Arrière-plan : illustration d'Alan Aldridge pour l'édition de 1967 chez Penguin


Quatrième de couverture
Tandis que l'humanité s'apprête à entrer dans le troisième millénaire, la surpopulation est devenue telle que les ressources naturelles ne suffisent plus à couvrir ses besoins. La nourriture et l'eau sont rationnées, il n'y a plus de pétrole, plus guère d'animaux. Trente-cinq millions de New-Yorkais, pour la plupart sans emploi ni logement, se battent pour survivre. Andy Rush a un travail, lui. Tous les jours, avec les autres policiers de sa brigade, il part disperser les émeutes de la faim qui se produisent lors de chaque nouvelle distribution de nourriture de synthèse. Alors, qu'importe si un nabab aux activités louches s'est fait descendre ? S'il parvenait à attraper le meurtrier, Andy le remercierait presque pour services rendus...
 

Soleil Vert est à la fois un polar assez classique et une dystopie futuriste (contre-utopie). Autrement dit, ce roman, d'abord publié sous forme de nouvelle avant d'être remaniée par son auteur, nous décrit un avenir proche peu enviable. Dans un New-York où la croissance démographique a explosé, où la pollution a déréglé le climat et où les rouges tomates ont été remplacées par des crackers ou des steaks de soylent (composé nutritif à base d'algues), un flic mène une enquête sur la mort d'un mafieux.
La trame policière est très classique et, bien que très agréable à lire, manque totalement de relief. Il est évident qu'elle n'est qu'un prétexte, un procédé littéraire populaire pour aborder des sujets de fond bien plus graves. Ce n'est donc pas de ce côté qu'il faut chercher le succès du roman mais bien du côté de ses descriptions dystopiques : surpopulation, malnutrition, émeutes, rationnement, redistribution des logements, pollution. Il y a tout au long des réflexions, des répliques qui mériteraient toutes d'être reprises en raison de leur portée visionnaire.
Toutefois, si l'on connait bien l'adaptation qu'en a faite Richard Fleischer en 1973, on pourra être déçu de ne pas retrouver la chute dramatique que ce dernier avait donnée à l'oeuvre d'Harrison. Si l'on croise bien les "soylents verts", pour autant on reste sur l'idée qu'ils sont faits à base d'algues et non du recyclage d'individus. Une seule phrase du roman "nous avons déjà le contrôle des décès" implique une régulation non "naturelle" mais rien n'est développé. Il est donc vrai que si l'adaptation cinématographique reste plus ancrée dans le souvenir des gens, c'est qu'elle amenait le roman vers une apogée, une révélation terrible qu'Harrison, lui n'avait pas osé.
À contrario, le roman, par son style épuré, ne souffre pas, comme le film, d'un vieillissement générationnel. Effectivement, le film est très daté, et de nombreuses séquences paraissent très kitch, trop ancrées dans les années 70.
Le roman est bien plus intemporel et c'est ce qui le rend plus fort. À ma lecture en 2015, l'année de la COP21, je dois l'avouer, je lui ai trouvé un côté prémonitoire, dérangeant, angoissant surtout quand on lit ce passage :

J'en veux aux politiciens pourris qui n'ont jamais osé poser le problème, par démagogie et par imprévoyance. C'est ainsi que les hommes ont pillé en un siècle des ressources qui ont pris des millions d'années pour se constituer, et personne n'a écouté ceux qui sonnaient l'alarme. C'est ainsi qu'il n'y a plus de pétrole, c'est ainsi qu'il n'y a plus de sols fertiles, c'est ainsi que les arbres sont morts, que les espèces animales se sont éteintes, que l'eau est devenue un poison. Et la seule récompense que nous en avons tirée, ce sont ces sept milliards d'hommes vivant une existence misérable. Alors, je dis que le temps est venu de faire les comptes.


Harry Harrison Soleil Vert ♥ (Make room ! make room !, 1966) • J'ai Lu - Nouveaux Millénaires
 


Crédits images, textes ©2016-2022 Erwelyn - Publié en janvier 2016 sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert - Ne pas reproduire sans autorisation

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L
J'ai également chroniqué ce livre sur mon blog et je partage la plupart de tes réflexions notamment concernant le peu d'intérêt de l'intrigue policière et la qualité des descriptions d'une ville devenue invivable. Mais surtout, l'absence de cette révélation finale que l'on trouve dans le film est vraiment décevante. Ca m'a fait le même effet lorsque j'ai lu "La planète des singes" de Pierre Boulle : un bon livre mais la fin du film est beaucoup plus percutante...
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T
Effectivement, aujourd'hui, on doit être bien plus nombreux à avoir vu le film qu'à avoir lu le livre (pas encore fait, pour moi - mais je crois qu'il doit prendre la poussière dans une de mes PAL!).<br /> Merci pour cette piqûre de rappel.
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E
C'est à peine un bon livre mais il a engendré un chef d’œuvre. Pour ça il mérite quand même qu'on s'y penche. En outre quelques passages font froid dans le dos.
C
Salutation 😊 le livre fait il mention de la mort choisie et assistée ? C'est un passage du film qui m'a marqué. Un moment de douceur et de beauté 😉. Bonne journée
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E
Non, c'est ce que j'explique. Une seule phrase peut s'y rapporter. C'est très subtile. La fin du film est une "amélioration" apportée par le réalisateur.
K
Merci pour cet article. Je n'ai jamais tellement eu envie de lire le livre, parce que le film est pour moi déjà difficile et traumatisant ! Il fait peur, parce que l'on nous met devant un problème qui est de plus en plus d'actualité, et c'est effrayant à quelque part. Et puis, je préfère la fin présentée dans le film - celle qui nous a tous bien marqué à jamais - à celle proposée dans le livre. Pourtant, il paraît que l'auteur n'a pas apprécié la fin choisie par le réalisateur, m'a-t-on expliqué, et qu'il aurait même contesté ce rajout.
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E
Merci pour ton avis ☺