27 Novembre 2021
Quatrième de couverture
Jack Barron est une icône de la télévision, un redresseur de torts moderne pour cent millions de gogos accros à leur écran tous les mercredis soir. Pour l'irrésistible présentateur, malgré la corruption, la pauvreté et la ségrégation, c'est le business qui compte avant tout... jusqu'à ce qu'il heurte de front les intérêts du tout-puissant Benedict Howards. Commence alors le feuilleton en direct d'un combat sans merci entre le pouvoir de l'argent et de la politique, et celui des médias. Mais la lutte peut-elle être équitable lorsque l'immortalité elle-même fait pencher la balance ?
Qui mieux que Norman Spinrad aura dénoncé dans son œuvre toutes les formes de pouvoir. Cet américain, longtemps exilé en France, n'a eu de cesse d'incriminer politique, médias et système états-uniens. Plusieurs romans reposent sur l’œuvre de Machiavel, donc les préceptes de manipulation font écho à tout ce que l'auteur rejette mais qu'il met en avant pour mieux mettre en évidence leur perversité. Jack Barron et l'éternité est une œuvre majeure. Un roman qui mêle plusieurs formes de pouvoir. Celles de l'argent, des médias et de la politique. Dans un futur proche, une société privée a trouvé le moyen de congeler les plus fortunés, afin qu'ils puissent se réveiller ultérieurement, quand le secret de l'immortalité sera découvert. Mais lors de l'émission télévisée hebdomadaire de Jack Barron, ce dernier diffuse le témoignage d'un homme noir qui dénonce la discrimination dont il a été victime, se voyant refuser l'accès à la Fondation de Congélation alors qu'il est solvable. Barron, présentateur provocateur, est ravi d'avoir la société dans son collimateur. Mais quand le président de la Fondation, lui-même, tente de l'acheter en lui offrant gratuitement l'immortalité, Jack comprend qu'il y a anguille sous roche. Et quand les politiciens s'y mettent et que son ex-femme renoue le contact, il n'y a plus aucun doute.
Ce roman de Spinrad repose essentiellement sur l'art de la manipulation. Les joutes verbales, la gestion du temps des émissions entrecoupées de spots publicitaires, les interactions entre les différents protagonistes, les pauses psychédéliques et érotiques, les réflexions philosophiques sur le droit à la vie et les implications sociales d'une découverte comme l'immortalité, font de ce texte, un roman incontournable du paysage science-fictif. Plus encore, relu aujourd'hui, il marque par l'intemporalité des sujets évoqués. Les calculs politiques, la liberté de la presse, les contraintes financières ET politiques des médias, tout ça fait encore bien parti de notre paysage actuel. Rien n'a vraiment changé. Norman Spinrad n'en n'est pas moins visionnaire à bien des égards (il prédit, par exemple l'avènement, par quelques manipulations - encore-, d'un président noir) mais il est certain que pour ce qui touche aux instincts intrinsèques des hommes, le pouvoir, et les moyens de l'obtenir, reste et restera malheureusement toujours un but universel pour beaucoup.
Norman Spinrad Jack Barron et l'éternité (Bug Jack Barron, 1969) • J'ai Lu Nouveau Millénaire, 2016
Crédits images, textes ©2015-2021 Erwelyn - Publié en décembre 2015 sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert - Ne pas reproduire sans autorisation
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