Louis Vuitton a publié à l'automne 2021 un nouveau titre inédit dans sa collection de Carnets de voyage illustrés qui diffère des destinations touristiques habituelles : Mars. Les illustrations sont du belge François Schuiten et le texte de l'écrivain et voyageur français Sylvain Tesson. Il s'agit d'une nouvelle illustrée par des dessins en pleine (double) page colorés mais aussi en noir et blanc, ces derniers utilisant la technique de la gravure.

L'introduction présente une dystopie assez classique.
La forme et le contenu qui suivent sont bien plus intéressants. Sylvain Tesson prête sa jolie plume à un texte rédigé sous forme de journal de bord tenu par la rubinaute X dans lequel elle décrit l'avancée de leurs recherches à la surface de Mars tout en laissant place de plus en plus à des réflexions qui, sur Terre, seraient interprétées comme anti-système.
Le récit tient autant de l'extrapolation scientifique, politique et environnementale que du récit contemplatif, philosophique et engagé. Même, pouvons-nous dire que c'est la contemplation de cette planète candidate à l'exploitation ou/et à l'exil qui va éveiller la conscience des deux rubinautes X et Y (je vous épargne l'intégralité de leurs codes-barres).
Rien de novateur ou d'extravagant n'est révélé de cette planète que nous commençons bien à connaître jusque dans ses variations géologiques et ses reliefs gigantesques. Toutefois, les illustrations de Schuiten nous font vivre une belle expérience d'immersion dans des paysages plus variés et colorés à la surface que ne laisse penser le rouge éclat de Mars dans notre lunette astronomique.
L'illustrateur utilise tout le matériel visuel que la technologie d'aujourd'hui a permis de rendre très net et très exploitable. Il s'amuse aussi avec les images plus floues qui laissent encore place au fantasme comme l'allusion à la patte de sphinx (15e jour) qui renvoie à une photo qui pourrait laisser deviner une forme sculptée.

Étant donné la portée à la fois textuelle et visuelle de ce bel objet, je n'ai pas très envie de creuser plus loin ce qui appartient au ressenti de chacun. L'ensemble surfe sur les vagues de la science-fiction, du art-book, du récit de voyage (d'exploration), du récit contemplatif et de la philosophie, le tout nous amenant à réfléchir sur l'avenir que nous voulons donner à l'humanité. Mais, possiblement, chaque lecteur vivra une expérience différente à s'aventurer dans cet album.

Quelques références littéraires :
30e jour : « Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai pas », titre du livre de souvenirs de l'historien Paul Veyne.
124e jour : « Contente-toi du monde » attribué à Friedrich Nietsche
133e jour : « Comme la Terre est lourde à porter » extrait du poème Lourde de Jules Supervielle

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