3 Juin 2022
L'Arrivée (Texte complet) Cote martienne ♦
Dans un lointain passé, on avait toujours soutenu que la Terre était plate ; en plein cœur du XXe siècle, à l'âge de bronze de l'astronautique, on affirmait qu'il n'y avait pas de vie sur Mars.
Et pourtant, à l'aube du XXIe siècle, cette affirmation fut réduite en poussière. Une authentique fusée en provenance de Mars avait été repérée par tous les radars, elle approchait de la Terre, elle se posa en douceur quelque part en Europe en banlieue d'une grande ville. Éjectant au milieu d'une foule de badauds une douzaine d'habitants de Mars, indiscutablement humains, fort peu impressionnants, encore moins singuliers, ressemblant de très près à de joviaux représentants de commerce, loquaces, affables et tout à fait décontractés.
« - Vous venez de loin ? demandèrent les Terriens pour être polis et savoir à qui ils avaient affaire.
- Nous venons de très loin d'ici. D'une planète habitée appelée la Terre. Nous sommes des Terriens.
- Des Terriens, de la Terre ! Mais où croyez-vous être ?
- Nous sommes arrivés sur Mars, répondirent-ils avec la même simplicité. »
Source : 188 contes à régler, Présence du futur n°474 ed. 1988
Le texte étant si court, je me permets de le recréer ici, en espérant ne pas avoir de problème avec les ayants droit. Une réédition de ces contes est parue en 1998 chez Folio. Mais l'on trouve aussi ce même texte encore plus écourté, sous le titre Les Martiens, publié dans le recueil Contes Glacés (ed. Mijade).
Comme dans la plupart des textes de Jacques Sternberg, on retrouve comme marque de fabrique de l'auteur l'humour et l'absurde. En soit, le texte n'est pas très novateur. Des Terriens pensant arriver sur Mars et atterrissant sur Terre, est un thème assez récurrent exploitant la boucle temporelle, les univers parallèles ou la quatrième dimension. C'est cette dernière qu'utilise ici Sternberg pour trouver toutefois une autre approche. L'auteur utilise le format de ce que j'appellerai volontiers un récit miroir. Les deux camps protagonistes pensent arriver de la Terre et atterrir sur Mars et inversement. La copie est d'autant plus flagrante que les deux peuples sont d'apparence humaine. Ils sont au même titre que leur planète la Terre ou que leur fantasme de colonisation de Mars, confrontés à leurs propres doubles. À noter que j'évoquais des références à l'humour décalé de Roland Topor dans mon article sur La persévérance vient à bout de tout écrite en 1959. Cela n'était pas anodin puisque Topor, écrivain et humoriste était aussi illustrateur et les deux couvertures des éditions des contes ont été réalisées par lui.
Crédits Textes images ©2013-2022 Erwelyn - Publié en octobre 2013 sur l'ancien blog Culture Martienne et mis à jour en mai 2022 - Ne pas reproduire sans autorisation
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