11 Octobre 2020
Quatrième de couverture
Thomas Bishop avait dix ans quand il a tué sa mère. Retrouvé au pied du poêle, un bout de chair carbonisé à la bouche, il a passé quinze ans en institut psychiatrique. Là, il a appris. A mentir. A cacher. Mais il est prêt. Le soir de son évasion, il pulvérise à la hache le crâne de son compagnon. On le croit mort. Il court les rues. Et c'est sous le nom de son malheureux partenaire qu'il terrorisera Los Angeles, Chicago, New York. Ses talents d'acteur, ses multiples identités, son visage d'ange jouent en sa faveur. Les filles sont retrouvées, une à une, massacrées. L'opinion s'offusque. On parle de rétablir la peine de mort dans plusieurs états. Les politiciens s'en mêlent, la mafia s'agite, la presse enquête. Parmi les journalistes, un nommé Adam Kenton fait des merveilles. Mais le monstre reste en liberté. Pour la société qui l'a créé et qui, aujourd'hui, souhaite sa mort, Bishop est l'homme à abattre. Le mal absolu. Son enfant.
Et dire que l’auteur, Shane Stevens, après cinq romans, est tombé dans l’anonymat ! Vous avez peut-être entendu parler de Caryl Chessman ? Peut-être que vous avez aimé les chansons de Nicolas Peyrac So far away from L.A. (1975) ou de Jean Arnulf Chanson pour Caryl Chessman (1968).
Au delà du mal est une sorte d’épopée (sanglante) et commence par braquer ses feux sur Caryl Chessman, aussi appelé « le violeur à la lampe rouge ». Cet homme fût accusé de viols et de kidnapping sur une série de femmes et fut arrêté à la fin des années 40. Il passa plus de dix ans dans le couloir de la mort, à clamer son innocence, en écrivant notamment quatre livres dont Death Row (Le Couloir de la mort).
Malheureusement pour lui, son histoire arrivait juste après la guerre, dans une Amérique sur les dents, et à la suite également de l’affaire Lindbergh, dans laquelle l’aviateur avait vu son fils, un bébé, assassiné par ses ravisseurs. Dans ce contexte, les États-Unis n’auraient pas pardonné que l’on épargne la vie de Chessman. Celui-ci fut donc gazé en 1960.
C'est ainsi qu'Au-delà du mal ancre le parcours de Thomas Bishop dans l’actualité réelle de ces années-là aux États-Unis. Celui-ci est né d’un viol, c’est en tous cas ce que lui rappelait sa mère constamment pour l’humilier tout au long de son enfance, en le corrigeant à coup de ceinture. Haine des hommes, rejet de son fils, il n’en fallait pas plus pour fabriquer un monstre. Thomas Bishop finit par brûler sa mère et atterrir dans un asile.
Sa course folle à travers les États-Unis, d’une violence inouïe, va démarrer après ses 25 ans, dès lors qu’il s’évade de l’asile. Son intelligence, son adaptabilité, et sa folie vont le protéger, et déjouer les plans des policiers lancés à sa recherche. Le temps presse, parce qu’il laisse derrière lui de pauvres filles éviscérées, découpées en morceaux, croyant ainsi combattre le mal incarné dans la féminité. Un journaliste, Kenton, est intrigué par les meurtres de celui que l’on surnomme Chess Man (jeu de mots mettant en balance le jeu d’échecs – chess – et le célèbre Caryl Chessman dont Bishop se croit le fils).
Il se passionne pour cette histoire, et décide d’enquêter pour le compte de son journal. Son intelligence et sa perspicacité instillent petit à petit l’espoir dans l’esprit du lecteur, qui, jusqu’à lors, pensait que Bishop n’avait pas de rival. Le duel devient passionnant au fil des pages. La traque s’avère incertaine, entre psychologie du tueur, analyse du journaliste, de la police, macabres découvertes, réflexions sur la peine capitale. Un curieux sentiment s’installe. On a hâte de connaître le dénouement. Bien sûr, Au-delà du mal est un récit inoubliable qui a fait date à sa sortie, et qui mérite sa place au Panthéon des plus grands romans noirs. Par contre, âmes sensibles, vous serez prévenues, c’est dur, très dur.
À propos de la peine de mort
Les US réfléchirent quelques temps à l’abolition de la peine de mort et il y eut un moratoire d’une dizaine d’années à partir de la fin des années 60, au cours duquel personne ne fut exécuté. Mais les traditions sont tenaces, là-bas comme ailleurs, et la peine capitale reprit bien vite du service. À ce jour (2020), vingt-et-un états (en bleu sur la carte) ont aboli cette macabre sentence. Il faut noter que même si constitutionnellement certains États (en violet) ont conservé la peine de mort, celle-ci n’y est plus pratiquée. Toutefois, on pend, on électrocute, on gaze, on injecte dans tous les autres États. C’est durant les années 1990-2000 que l'on a connu le plus d’exécutions depuis les années 60 ! Depuis, ça tend très légèrement à rebaisser.
Shane Stevens Au-delà du mal (By reason of insanity, 1979) Pocket Thriller
Crédits images, textes ©2016-2021 Dominique Guégan & Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en mars 2011 et mis à jour en octobre 2020 - Ne pas reproduire sans autorisation
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