23 Janvier 2022
L'histoire (Cote martienne ♦)
En 2257, Henri William Field, un homme riche mais aussi un écrivain sans succès et frustré de n'avoir su décrire son époque, charge le Professeur Bolton de tester son invention, une machine à remonter le temps, afin d'aller quérir en 1938 celui qu'il juge le plus à même de décrire le 23ème siècle : Thomas Wolfe.
Ce dernier découvre qu'une fois ramené à temps à l’hôpital d'où l'a extirpé Bolton, pour éviter tout paradoxe temporel, il mourra d'une pneumonie. Il doit à tout prix profiter de ce temps qu'il lui est miraculeusement octroyé. Après huit semaines entières passées sur Mars, à arracher à son stylo 10 000 mots par jour et de beaux manuscrits aboutis représentant dans leur ensemble son chef d’œuvre ultime, Wolfe est de retour en 1938. On le retrouve errant dans les couloirs de l’hôpital.
Nouvelle parue au printemps 1950 dans Planet Stories et qui avait comme accroche, non traduite en France :
Ils ont amené ce grand écrivain flamboyant trois cents ans dans le futur. Ils lui ont donné les étoiles et les planètes et tout l’espace pour sa plume affamée. Puis ils ont essayé de remettre Thomas Wolfe dans sa tombe.
« Tom Wolfe regarda du haut de son grand corps épais, ses deux grandes mains l'équilibrant comme un balancier dans un monde étrange. » |
Étonnante ce texte qui rend hommage à Thomas Wolfe, auteur américain peu connu chez nous, né en 1900 et mort prématurément d'une pneumonie en 1938. Il est l'auteur de quatre romans, d'un essai et d'un grand nombre de nouvelles.
Le titre, Forever and the Earth, fait référence à un passage de son roman de 1935 Of Time and the River, a Legend of Man's Hunger in His Youth (traduit sous les titres Au Fil du Temps, Stock 1951 et Le Temps et le Fleuve, L'Âge d'homme 1984).
Ce récit est ponctué de phrases et de réflexions sur la légitimité de la création, l'écriture, l’œuvre ultime, accomplie, la mort... trop tôt, trop vite.
Plus que pour son intérêt martien, ce récit vaut pour l'émotion qu'il procure.
L'action ne se passe pas sur Mars, mais sur Terre. Le lecteur reste avec Henri William Field qui réceptionne au compte-goutte les écrits de Wolfe transmis depuis Mars. Aussi ce que nous apprenons de Mars est ce que Field veut bien nous en dire ou en lire (du moins à Boston à qui il s'adresse toujours). Il va de soit que pour eux rien ne leur est inconnu de l'histoire de la colonisation de Mars, des guerres spatiales et de tout autre évènement de l'Histoire de leur époque. Seule la forme importe à Field.
J'ai relevé cette réplique de Wolfe faite à Field quand ce dernier s'étonne de sa réticence à aller sur Mars :
Ça fausserait mon travail d'écriture. J'en ramènerais beaucoup de matériau et d'expérience que je ne pourrais pas utiliser dans ce que j'écris à mon époque.
Et plus loin, Field à propos de l’œuvre finalement écrite par Wolfe, que ce dernier aimerait ramener avec lui en 1938 :
Vous n'avez jamais écrit de roman cette année-là [1938], Tom. Ce qui a été écrit ici, doit rester ici, ce qui a été écrit là-bas doit rester là-bas.
La Guerre spatiale (The Space War)
Le Chardon et le feu (Twisteldown and Fire)
La Déroute devant la fureur (Flight Before Fury)
Le Jour de la fusée (Day of the Rocket)
Les Indiens (The Indians)
À jamais la terre (Forever and the Earth)
(*Les textes en italique sont extraits de l’œuvre)
• Colonisation de Mars : par les Noirs. Terraformation
• Martiens et physionomie : il est fait allusion à un portrait dessiné par Thomas Wolfe mais sans description. Il peut aussi bien s'agir d'un portrait de colon noir ou d'une espèce indigène. Dans Les indiens, l'auteur parle des Martiens comme s'ils étaient des Cherokees et des Iroquois, les nations indiennes de l'espace, décimées et repoussées. Métaphore qui s'accorde autant avec les uns que les autres.
• Villes et environnement : Les cités martienne, immenses et inimaginables, aussi nombreuses que des pierres projetées par quelque volcan géant en avalanche titanesque, reposaient enfin en amas étincelants. Les senteurs de Mars, les vents froids épicés de cannelle, les vents de nuages poussiéreux, et les vents puissants chargés de pollens anciens... (Extrait de La Déroute devant la fureur)
Ci-dessous, par soucis d'exhaustivité, l'illustration d'Earl Mayan pour Planet Stories représentant en premier plan Thomas Wolfe. Dans son ensemble, je ne la trouve pas réussie. La représentation astronomique est tout ce qu'il y a de plus bizarre. La petite planète dans la queue de la fusée pourrait être la Terre. On peut reconnaitre l'ombre du continent américain. Si l'on se dit que l'on est sur la Lune, le troisième astre devrait être Mars, avec un anneau ☺. Voilà, voilà.
Ray Bradbury À jamais la terre ♥♥♥ (Forever and the Earth, 1950) • dans Bien après minuit • Denoël Présence du Futur
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