📚🎬 JACK KETCHUM - UNE FILLE COMME LES AUTRES (THE GIRL NEXT DOOR, 1989)

📚🎬 JACK KETCHUM - UNE FILLE COMME LES AUTRES (THE GIRL NEXT DOOR, 1989)


Quatrième de couverture
Meg est une adolescente. Prisonnière. Torturée. Il y a ceux qui en profitent, ceux qui s'en foutent et ceux qui voudraient l'aider. Et vous ? Dans ce roman inspiré d'un fait divers des années 1960, Jack Ketchum dresse le portrait d'une petite bourgade américaine où l'horreur se trouve de l'autre côté de la rue. Cinquante ans plus tard, le sujet est toujours d'actualité, le silence est toujours pesant. Après Une fille comme les autres, vous ne regarderez plus jamais vos voisins de la même manière.
« Ketchum est devenu une sorte de héros pour nous qui écrivons des récits de terreur et de suspense. Il est tout simplement le meilleur [...] Une fille comme les autres est un livre animé d'une vie propre. Il ne se borne pas à promettre la terreur, il tient ses promesses. On ne peut s'arrêter de le lire. » Stephen King
« Voilà l'essentiel, l'horreur encastrée dans la littérature authentique, une plongée dans la noirceur absolue, la face cachée de la tradition littéraire américaine. » Edward Bryant
 

[Lecteurs sensibles, s'abstenir : à l'instar de son adaptation cinématographique interdite aux moins de 16 ans, j'aurai tendance à appliquer le même conseil pour le roman en raison de sa violence physique et psychologique]

Le choc ! C'est dans la collection « L'Ombre » des éditions Bragelonne, créée en 2006, qui explore les sombres chemins de l'horreur humaine qu'a été initialement traduit The Girl Next Door de Jack Ketchum (1946-2018). Cet ouvrage, paru en 1989 aux États-Unis et inspiré (les motivations diffèrent) du calvaire subit en 1965 par Sylvia Likens, séquestrée par Gertrude Nadine Baniszewski qui en avait la garde, est une vraie bombe dans la production littéraire. Au delà des actes décrits, l'horreur qui s'en dégage vient du réalisme de l'écriture, de la psychologie des personnages, de la violence du témoignage et de l'ambivalence du narrateur.
Bien que dans un style fictionnel, ce roman pourrait côtoyer les terribles témoignages des rayonnages sociologiques. La maltraitance sur enfant et sur les femmes, la folie, la violence enfantine, les fantasmes, la lâcheté, le bien et le mal, la frustration, la soumission, le sadisme, la pitié, la haine, sont autant de thèmes et d'émotions abordés. Les scènes insoutenables décrites ne sont malgré tout rien en comparaison de celles qui nous sont épargnées mais qui exacerbent notre imagination. Rares sont les romans qui entretiennent à la fois notre niveau d'adrénaline et notre répulsion devant la cruauté.
Les paradoxes émotionnels que nous décrit le narrateur provoquent le malaise chez le lecteur qui ne sait pas à quoi se raccrocher. Un livre choc, dont on ne se remet pas.
 

L'ADAPTATION

La chronique ci-dessus a été écrite en 2008 alors qu'une adaptation cinématographique, dont je n'avais pas alors connaissance, venait de sortir. Par la suite, j'ai tourné longtemps autour de ce film sans jamais oser le visionner. Voir porter à l'écran une telle violence peut être insoutenable, sans compter la tentation d'en montrer trop au détriment du mécanisme psychologique dans lequel chaque personnage est entrainé.
D'aucun auront peut-être vu ce film sans connaître l’œuvre originale, ni même le fait divers sordide qui l'a inspirée.  Mais force est de reconnaître que l'adaptation de Gregory M. Wilson sortie en 2007 est excellente, traumatisante mais excellente.

Blythe Auffarth (Meg) et Daniel Manche (David)

Blythe Auffarth (Meg) et Daniel Manche (David)

Le film s'ouvre sur la très belle séquence de la rencontre entre Meg et David, portée par deux jeunes acteurs au charisme indéniable, Blythe Auffarth et Daniel Manche - on pourra s'étonner d'ailleurs qu'aucun d'eux n'aient fait une grande carrière par la suite.
L'arrivée de Meg et de sa sœur dans leur nouvelle famille d'accueil suite au décès de leurs parents va vite virer au cauchemar quand la gentille Tante Ruth (Blanche Baker), adulée par ses quatre garçons et les autres enfants du quartier, dont David, s'avère être une personne très perturbée. L'arrivée de filles dans son foyer fait surgir en elle des penchants pervers et sadiques entraînant dans sa folie ses propres garçons qu'elle manipule et dresse contre Meg.
Le réalisateur n'a pas chercher à surenchérir les scènes de séquestration et de torture. Elles s'intègrent comme dans le roman dans un lent processus de manipulation et d'emprise d'une mère qui procure toujours une « bonne » justification à la punition qu'elle donne elle-même ou via ses enfants. À la fois initiatrice, spectatrice et tortionnaire, sa cruauté ne semble pas avoir d'égal. Et c'est évidemment le personnage le plus terrifiant, écœurant, de l'histoire. L'adulte par qui tout arrive.
L'injustice de la punition et la violence enfantine qui est exacerbée par la mère psychopathe est le côté malaisant du film. Il faut donc se raccrocher au fait divers, se dire que c'est effectivement une histoire vraie, que la violence et la souffrance physique ou psychologique ont été promulguées ainsi. Mais elle dévaste le lecteur ou le spectateur qui est confronté à un environnement hors norme, inconcevable impliquant en plus de jeunes enfants.
Même si j'étais prête à me confronter à cette adaptation, tout comme pour le roman, je n'en sors pas indemne. Aussi parce que je mesure une autre violence, celle qui est subit par les jeunes acteurs qui doivent se prêter à un jeu qui n'est clairement pas de leur âge. Blythe Auffarth dira que la scène la plus difficile a été celle où elle est attachée, bâillonnée et aveugler par un bandeau. Même en situation de simulation, la perte de repères et de sens a été le plus traumatisant pour elle. Et il faut noter que la plupart des enfants du casting n'ont rien tourné d'autres ou si peu.
Parmi les scènes marquantes (en dehors de celles de tortures), on sera sans abasourdie par la conversation que David a avec son père, laquelle porte sur le fait que ce soit normal ou non de frapper une femme. Je n'ai pas dis jusqu'ici que l'histoire se passe en 1958. La réponse du père est affligeante. Pour faire simple : non, ce n'est pas normal, mais en même temps si elle cherche...
On prend conscience que l'ensemble des adultes sont dans des postures néfastes. Les parents de David, une mère (Catherine Mary Stewart) aimante mais sans grande personnalité ni implication et un père (Grant Shaw) adultère et misogyne n'offrent pas une meilleure éducation à David que la voisine qui laisse ces garçons y compris les très jeunes, boire de la bière.
Ainsi, les hommes ont tous les droits, et Ruth, bien que femme elle-même, élève ses garçons selon ces préceptes. Sa frustration sexuelle personnelle est également lisible par bien des scènes, qu'il s'agisse du moment où elle danse devant ces enfants ou qu'elle pousse son fils à violer Meg.


PAR RAPPORT AUX FAITS RÉELS

Gertrude Nadine Baniszewski en 1986 et Sylvia Likens à 16 ans

Gertrude Nadine Baniszewski en 1986 et Sylvia Likens à 16 ans

Ce qui diffère entre le roman de Jack Ketchum et la réalité est la motivation de la mère. Gertrude Nadine Baniszewski, la vraie Ruth, ne fut pas taxée de psychopathie. Seulement de névrosée. Elle vivait dans la pauvreté avec ses sept enfants (quatre filles et trois garçons) et Sylvia Likens et sa petite sœur handicapée qu'elle avait recueillie pour aider leurs parents forains moyennant 20 dollars par semaine, vinrent néanmoins alourdir son niveau de vie. Les filles devinrent leurs souffres-douleur en subissant privations alimentaires et coups. Selon l'analyse psychologique de Gertrude, c'est elle qui aurait été sous l'influence de ses enfants et notamment de l'aînée Laura. Sylvia décèdera de malnutrition et des coups répétés ajoutés à la centaine de brûlures de cigarettes identifiées. Il ne semble pas y avoir eu de crimes sexuels.
Je vous invite à lire la page 👉 wikipédia consacrée à cette affaire.

Dans la presse française, j'ai retrouvé cet unique encart tiré de la revue Combat du 4 mai 1966 :

📚🎬 JACK KETCHUM - UNE FILLE COMME LES AUTRES (THE GIRL NEXT DOOR, 1989)

 


Crédits images, textes ©2008-2022 Erwelyn - Publié en novembre 2008 sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert et mis à jour (film) en mai 2022- Ne pas reproduire sans autorisation

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