7 Février 2021
L'histoire (Côte martienne ♦♦♦)
26 mars 1964. Luke Devereaux, trente-sept ans, en cours de divorce et écrivain de science-fiction en mal d'inspiration, s'isole dans une région reculée de Californie pour tenter de remplir ces pages blanches. Alors qu'il se disait intérieurement : "Et si les martiens... ?" on frappe à sa porte, il ne s'attend pas une seconde à découvrir un petit bonhomme vert : un martien ! Ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'au même instant partout dans le monde des milliers, non un million de martiens, enfin un milliard, ont débarqué, plus vicieux, cabochards, effrontés, grossiers les uns que les autres.
Alors qu'ils plongent la Terre dans un chaos total, Luke voit ses espoirs d'écrivain renaître. Effectivement, la science-fiction n'est plus au goût du jour (et ça se comprend). Son éditeur lui propose de se lancer dans le western. Mais en écrivant les premières lignes de son nouveau projet, un martien le fait sursauter et... Luke se réveille persuadé que les Martiens n'existent pas (il va jusqu'à occulter leur présence) et considèrent que tout le monde sauf lui est fou. Pendant ce temps, d'autres tentent de comprendre les motivations des martiens et de trouver une solution pour les renvoyer chez eux. Et les martiens de se gausser encore plus.
Dès le début, Fredric Brown nous le dit : la Terre aurait dù être préparée à l'invasion. Ce n'est pas comme si Percival Powell n'avait jamais évoqué des canaux de constructions artificielles, ou si H.G. Wells n'avait pas écrit La guerre des mondes. Plus tard un autre Welles, Orson, s'était inspiré du précédent pour une chronique radio des plus alarmantes ! Non, vraiment, l'Homme était prévenu et pourtant il se retrouve impuissant devant cette attaque !
Brown se fait plaisir via ses avatars martiens à démonter tous les systèmes les plus rigoureux possibles : politiques, économiques, financiers, militaires. La crise qu'ils déclenchent est pire que celle de 1929. La guerre froide ? Poubelle. (Derrière le Rideau de Fer, les russes découvrirent bientôt que les Martiens étaient pires que lesdits capitalistes fauteurs de guerre.) La croissance ? Poubelle. Liberté, libre arbitre, intimité, pudeur ? Poubelle, poubelle, poubelle, poubelle. Tout passe à la trappe quand on est confronté aux petits hommes verts qui prennent de si haut l'espèce humaine qu'ils jugent tellement inférieure à eux. Si les Gremlins avaient eu la parole claire et le teint émeraude, on aurait pu les croire des descendants directs des martiens. Il faut dire que Fredric Brown, non content de mettre à mal l'humanité, le fait avec un humour ravageur. Pas seulement en contrepoids d'un contexte historique mais aussi en opposition à un genre littéraire, la science-fiction, qui se voyait de plus en plus bourrée de clichés principalement extraterrestres. C'est cette vision décapante de l'Envahisseur, de l’Étranger, qui rend ce roman encore très lisible et plaisant de nos jours.
La partie qui donne la part belle à l'imagination et l'inspiration de l'écrivain, qui nous balade dans un imbroglio de réalité ou de folie est moins passionnante. Il n'est d'ailleurs pas impossible que cette partie ai été influencée par la nouvelle de Richard Matheson Avis à la population, parue 1952 et dont les corrélations sont bien trop importantes pour être fortuites.
Qui n'a jamais entendu la fameuse interjection : « Salut, Toto, c'est bien la Terre ici ? » doit impérativement se procurer ce roman incontournable de la culture martienne.
1 [USA] Frank Kelly Frears ; 2 [USA] ? ; 3 [FR] Stéphane Dumont ; 4 [FR] Joëlle Coulombeau ; 5 et 6 [FR] ? ; 7 [FR] Frederik Peeters ; 8 [ESP] ?
Le premier à avoir illustré le roman de Fredric Brown est Frank Kelly Frears (1922-2005) pour la couverture d'Astounding SF de septembre 1954 où parut le roman la première fois. Elle fut reprise pour l'édition papier US et en France par les éditions Folio SF.
Cette histoire de martiens envahissants a inspiré pas mal d'illustrateurs (n'ayant pas tous les ouvrages, je ne peux les lister), pour le meilleur et pour le pire. Notons néanmoins que c'est Frederik Peeters, pour la dernière édition Folio SF, et chez les allemands que l'on dénombre bien les six doigts qu'ont les martiens. Peut-être que eux ont vraiment lu le livre.
Voici une sélection internationale des plus belles couvertures (totalement subjective), la France et l'Allemagne étant les plus inspirés ;). Exit l'Italie, sans grand intérêt.
(*Les textes en italique sont extraits de l’œuvre)
• Aptitude : la linguistique. Ils ont une capacité illimitée pour apprendre tous les langages du monde.
• Couimage : ils ont le pouvoir de couimer. Forme de téléportation mentale qui ne nécessite aucune technologie. Pourrait être assimilé à la projection astrale bien qu'en fait ce ne puisse être non plus ça car dans ce cas ils ne pourraient émettre de sons. Quand bien même, le couimage est alors la faculté de rendre visible le corps tangible resté sur Mars. Ils peuvent ainsi couimer facilement et rapidement, ne serait-ce que pour faire des allers-retours vers leur planète pour s'alimenter.
• Culture : musiciens. Possèdent une sorte de fifre qui donne des sons insupportablement aigus.
• Hokima : ? Technique d'amélioration du couimage pour le rendre interplanétaire • Invasion : leur motivation est l'étude des humains.
• Martiens : petits hommes vert-émeraude. Bisexués. Torse court, membres longs et effilés. Tête grosse, sphérique et chauve. Visage imberbe. Bouche et nez deux fois plus grands que ceux des humains. Langue jaunâtre. Minuscules yeux vifs et petites oreilles sans lobes. Leur vision est extraordinaire, similaire aux rayons X. Ils peuvent voir au travers des murs, des portes, des objets. Six doigts aux mains et aux pieds. Vêtus d'un ensemble collant et blouse lâche de couleur verte. Leur taille varie de 65cm à 90cm. Leur consistance est immatérielle. Si l'on cherche à les toucher, on passe au travers d'eux et inversement. Pour cette raison ils ne peuvent absorber aucune nourriture. Leur caractère est condescendant et irrespectueux. Ils ne portent pas de nom et appellent tous les hommes "Toto" et les femmes "Chouquette". Ils ont fait l'objet de beaucoup de spéculations non validées.
• Religion : une de leurs expressions favorites par Argeth ! signifierait qu'ils vouent un culte à une déité du même nom.
• Technologie : on suppose qu'ils en ont à moins que tout passe par le mental. Ils arrivent à capter les ondes radio terriennes de Mars.
...acariâtres, arrogants, atrabilaires, barbares, bourrus, contrariants, corrosifs, déplaisants, diaboliques, effrontés, exaspérants, exécrables, féroces, fripons, glapissants, grincheux, grossiers, haïssables, hargneux, hostiles, injurieux, impudents, irascibles, jacasseurs, korriganesques, lassants, malfaisants, malhonnêtes, maussades, nuisibles, odieux, offensants, perfides, pernicieux, pervers, querelleurs, railleurs, revêches, ricanants, sarcastiques, truculents, ubiquistes, ulcérants, vexatoires, wisigothiques, xénophobes et zélés à la tâche de faire vaciller la raison de quiconque entrait en leur contact.
🎝 1955 : À partir de cette date, on voit apparaître dans les œuvres du trompettiste et jazzman Shorty Rogers, une série de titres « martiens » : Martians Go Home, Martians Come Back, Martians Stay Home, Here's That Old Martian Again, Have You Hugged A Martian Today, March Of The Martians, Martian Lullaby, Martian Bossa Nova.
Selon ses dires, le premier de la série n'a aucun rapport avec, Martiens, Go Home!, le roman de Fredric Brown mais viendrait d'un graffiti lu par le musicien dans les toilettes d'un club de jazz. Reste à savoir qui ou quoi avait inspiré ce dessin ☺ (Source : Alain Tercinet : West Coast jazz.)
🎝 1956 : dans la revue Imaginatives Tales (vol. 03, n°04), on peut lire un encart alertant sur la possibilité qu'un compositeur ait été contacté pour écrire une chanson titrée Martians go home ! pour un cartoon. Pas d'autres nouvelles.
🎬 1990 Martians, go home ! adaptation cinéma par David Odell
Quaid joue une musique qui invite accidentellement un milliard de Martiens (tous représentés par des humoristes de la fin des années 1980 et début des années 1990) sur la planète Terre. Ces Martiens deviennent une nuisance pour la planète en jouant constamment des farces et en refusant de permettre à quiconque de sortir en mentant ou par des tromperies de toutes sortes. (Source : Wikipedia) Présentation à venir.
💬 Martians, go Home comic book de Lowell Isaac (ill.), Martin Powell (sc.), David Hopkins (sc.) . Projet abouti dans sa création, mais jamais édité. Lire dans son intégralité sur le site du dessinateur. 👇
MARTIANS, GO HOME! - Lowell Isaac
This is a graphic novel that I illustrated many years ago, which was originally slated to be published by DarkHorse. Due to interpersonal drama and a cascade of misfortune, that did not happen. At ...
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Martiens, go Home ! (Fredric Brown)
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https://www.legaliondesetoiles.com/Martiens-go-Home-_a3336.html
Fredric Brown Martiens, go home ! ♥♥ (Martians, go home, 1954) • Folio SF
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