20 Février 2021
Quatrième de couverture
Dans un aéroport étrangement désert, quinze personnes s'embarquent à bord d'un charter - destination : Madrapour. L'hôtesse fait une annonce tronquée et c'est assez pour déclencher chez les passagers une inquiétude qui se change en angoisse quand deux Hindous, l'arme au poing, menacent d'exécuter les otages un à un si l'avion n'atterrit pas. C'est alors que l'on s'aperçoit que l'appareil n'a pas d'équipage et qu'il est dirigé depuis la terre.
Dans la destinée des passagers un personnage invisible, une force occulte et toute puissante fait alors son apparition : le Sol...
Surprenant, délectable, drôle, angoissant parfois ! Impossible de classer ce roman. Littérature, fantastique, thriller. Rien de tout ça et tout à la fois. Peut-on le classer en transfiction ?
Tout démarre dans une impression d'inquiétante étrangeté. Imaginez prendre un avion sans pilote pour une destination improbable (un pays inconnu du nom de Madrapour, qui, s'il existait vraiment se situerait aux frontières de l'Inde et du Bouthan), et retrouvez-vous avec seulement quatorze autres compères, tous « relégués » en première classe, assis les uns en face des autres, en cercle, et passez seize heures, supposées, de voyage avec autant de personnalités différentes.
Robert Merle, dans un exercice de style fabuleux et non dénué d'humour, décortique dans ce huis-clos atypique toute l'âme et la psychologie humaine. Les protagonistes vont le temps d'un voyage (mais le temps n'est-il pas en suspend ici, à moins que la roue du temps au contraire ne soit en marche ?) devoir faire face à leurs angoisses, à leurs addictions, à leurs motivations, à leur avenir si tant est que celui-ci puisse être imaginé. Car dans ce nomand's land aérien, rien n'est plus déstabilisant que de se retrouver face aux autres, dénudés de tous biens physiques, de toutes notions temporelles, pire, d'être face à soi-même.
Il y autant de psychologies dévoilées que de métaphysiques exacerbées.
Le lecteur est pris à parti dans cette ronde des égos. Il est emporté lui-même dans ses propres réflexions faisant écho à celles des personnages. C'est juste fascinant ! Le lecteur rationnel tentera désespérément de trouver une logique à tout ça avant de s'apercevoir que c'est peine perdue. Ce qui compte ce n'est pas ce qu'il y a dehors, ou au sol, ce n'est pas la motivation de ce qu'on ne connait pas et qui semble avoir imposé cette situation aux héros, non, ce qui compte, c'est comment on fait face. À quoi ? C'est vous qui trouverez la réponse. Au fond, c'est vous lecteur qui faites de Madrapour ce que vous voulez. N'attendez rien de l'auteur. Il n'est pas si généreux que ça, et pourtant il vous offre un cadeau littéraire mémorable et nous régale de répliques (de vérités imparables) inoubliables. Je pourrais m'amuser à les relayer ici, mais il y en a tellement, qu'il faudrait reproduire le roman. Quelques unes quand même :
•Un moucheron qui naît à l'aube et meurt au coucher du soleil ne peut pas comprendre le mot nuit.
•La clairvoyance des gens bornés : ils comprennent tout, à moitié.
Non je vais m'arrêter, il y en a trop. Lisez-le, c'est tout.
Robert Merle Madrapour ♥♥ (1976) • Point
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