10 Avril 2021
Quatrième de couverture
À la suite d'une épidémie d'encéphalite qui ne frappe que les hommes, les femmes les remplacent dans leurs rôles sociaux, et c'est une Présidente, Sarah Bedford, féministe dure, qui s'installe à la Maison-Blanche. Le Dr. Martinelli, qui recherche un vaccin contre l'encéphalite, est enfermé avec d'autres savants à Blueville, dans une « zone protégée » qui les tient à l'abri de l'épidémie mais dans un climat de brimades, d'humiliations et d'angoisse. Martinelli acquiert vite la conviction que son vaccin ne sera pas utilisé, du moins sous l'Administration Bedford. C'est paradoxalement chez les femmes qu'il trouvera ses alliées les plus sûres et par les femmes qu'il sera libéré. Mais, une fois Bedford remplacée à la Maison-Blanche par une féministe modérée, Martinelli saura-t-il s'adapter à une société où les hommes ne jouent plus qu'un rôle subalterne ?
Après avoir dénoncé les dérives militaires et l'exploitation de ces pauvres dauphins dans son thriller SF 👉 Un animal doué de raison, après s'être essayé à la science-fiction post-cataclysmique avec Malevil, voilà que Robert Merle, l'auteur également de la saga historique Fortune de France à propos de nos chères têtes couronnées, signe une dystopie alléchante, suspecte, comique parfois, qui ravira la gente féminine, peut-être un peu moins les mâles phallocrates, quoi que... Les incartades de Robert Merle dans l'univers de la SF et de la politique-fiction sont incontournables pour les amateurs de ces genres.
Alors, qui sont ces « hommes protégés » ? Des « entiers », autrement dit des hommes qui n'ont pas sombré dans la folie de la castration pour survivre à l'épidémie. En effet, un virus ravage la gente masculine, du moins ceux qui sont déjà pubères pour les plus jeunes et encore actifs pour les plus âgés. De plus, ce sont pour la plupart des scientifiques, des chercheurs, qu'il faut donc extraire au risque de contamination pour leur permettre de trouver le vaccin à cette mystérieuse encéphalite 16. Seulement voilà, cette pandémie est aussi le prétexte d'une prise de pouvoir par les femmes.
Les bonnes ménagères cantonnées à leur cuisine, les secrétaires effacées, les épouses soumises, toutes ont à revendiquer leurs compétences, leurs capacités, leur intelligence, leur légitimité au sein d'une société qui a fait de l'homme celui sur qui tout repose. Il est homme d'affaire, banquier, policier, médecin. Les femmes aussi mais elles restent bien à l'évidence dans l'ombre. Rien d'étonnant à ce que ces dames, maintenant libérées du joug phallocrate, arrogant et misogyne, se révèlent à la lumière.
Ce postulat n'est pas sans conséquences, ni sans abus. Comme Pierre Boule dans la Planète des singes ou George Orwell dans la Ferme des animaux, l'opprimé devient souvent le bourreau et il en va ainsi aussi dans les Hommes protégés. Les femmes ont pris le pouvoir, certes, mais sous quelle forme ? Des ultra-féministes endurcies prônant la misandrie et n'ayant plus qu'un but : la disparition de la population masculine. Dans ce monde devenu totalitaire, un homme (quelle ironie) va devenir la clé d'un avenir meilleur. Lui seul peut trouver le vaccin salvateur. Mais pour l'intérêt de quel camp ? Celui des femmes ? Celles au pouvoir n'ont sûrement pas intérêt à voir ressurgir les hommes... Celui des hommes ? Bien sûr, mais comment reprendre les rênes lorsque eux même ne sont plus qu'une espèce en voie de disparition ? L'alternative existe évidemment. Pondérée, elle remettra un peu d'ordre dans tout ça mais à quel prix.
Robert Merle réussit un mélange savant de réflexions politiques, éthiques, sociologiques. La sexualité et les rapports hommes-femmes tiennent évidemment une place prépondérante. Et il en va de même pour le racisme, l'exclusion, la discrimination, la génétique, le fanatisme et l'extrémisme. L'utopie des unes faisant le malheur des autres. Autant de sujets graves qui pourtant aux travers des faits et gestes de son héros, paraîtront parfois drôles, grotesques mais non dénués de fondements.
En tant que femme, je n'ai pas tenté de trop « sexuer » cette chronique. Mais par curiosité, lisez aussi la chronique de Jean-Pierre Andrevon sur 👉 Noosfere. Une critique masculine tout à fait honorable dont les remarques finales sont très intéressantes et sur lesquelles, j'avoue je le rejoins peut-être aussi un peu...
Robert Merle Les hommes protégés ♥♥ (1974) • Folio
Crédits images, textes ©2010-2021 Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en octobre 2010 - Ne pas reproduire sans autorisation
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