5 Avril 2021
Quatrième de couverture
L’équipage du « Homeward », descendants de l’équipage naufragé du « Starward », premier vaisseau stellaire, a réussi son retour d’Alpha du Centaure vers la planète-mère, la Terre, après 130 années humaines... équivalentes à cinq siècles de contraction espace-temps ! Après une telle séparation, ils s’attendent à trouver sur Terre une technologie surdéveloppée et une humanité colonisatrice d’autres planètes. Mais la désillusion est grande : le concept de nations n’existe plus, le fédéralisme et l’autogestion régissent la prise de décision collective, la science semble avoir disparu au profit d’une économie primitive fondée sur la commune et l’agriculture, et le véritable progrès est celui de l’épanouissement humain. Mais la réalité est à la fois plus simple et plus complexe.
Marion Zimmer Bradley (1930-1999) est un grand nom féminin de la science-fiction américaine qui s'est essayée à tous les genres de l'imaginaire : la science-fantasy (La Romance de Ténébreuse), le fantasy arthurienne (Les dames du lac et ses suites), le fantastique lovecraftien (Sara). Cette novella publiée en février 1955 dans Fantasy et Science Fiction, est l'un de ses premiers textes et une des meilleures nouvelles de SF.
Personnellement, j'en ai commencé la lecture dans la vieille revue « Fiction » (n°40, 41, 42, 1957, sous le titre Marée montante) avec une traduction de Régine Vivier, et comme je n'avais pas le n°42 mais que je l'avais dans son intégralité dans l'anthologie Après... la guerre atomique (Marabout, 1970), j'ai fini ma lecture sur une traduction de Franz Weyergans. Le Passager Clandestin reprend une version plus récente de 1994 d'Élisabeth Vonarburg, bien meilleure encore.
La Vague montante est d'abord une utopie. Chose de plus en plus rare en SF où les dystopies (contre-utopie) sont légions. Toutefois, ces notions ne sont que rarement éloignées l'une de l'autre. Preuve en est ici. Lorsque l'équipage du « Homeward » débarque sur la Terre de leurs ancêtres, ils s'attendent à trouver une civilisation humaine qui aurait continué d'évoluer technologiquement. Or, ils se retrouvent avec une population qui, sans avoir totalement rejeté la science, s'en est accommodée autrement, de façon plus judicieuse et surtout moins suprémaciste, après une longue période (dystopique) de surdéveloppement inhumain. Écartant ainsi aussi dans leur nouveau mode de vie toute notion de croissance économique, les descendants des siècles futurs optent pour une société où l'humain ne serait plus esclave de ses technologies, limitant leur utilisation avec pragmatisme, revenant ainsi à des valeurs plus humanistes (utopie).
Imaginez ce texte dans les années 50, ces années d'or de la SF où les auteurs s'employaient surtout à nous envoyer sur Vénus, sur Mars ou dans des contrées stellaires inconnues ; la pleine expansion de l'être humain dans l'univers était à l’œuvre dans la fiction et dans la réalité, la conquête spatiale s'amorçait avec passion. L'après-guerre florissante de nouvelles inventions, l'Amérique capitaliste en pleine croissance, et paf ! notre Marion Zimmer Bradley qui nous explique, que non, non, l'être humain peut être heureux autrement.
Et qu'en est-il aujourd'hui ? Car c'est toute la démarche éditoriale de la collection des « Dyschroniques » : rééditer des textes du passé pour les mettre en parallèle de notre société d'aujourd'hui. Voir ce que nos générations précédentes redoutaient et prophétisaient et faire le constat alarmant que rien, absolument rien, ne sert de leçon. Je vous encourage à découvrir ce texte avec ces personnages hauts en couleur. J'y ai d'ailleurs rencontré un des personnages des plus antipathiques : par son scepticisme, sa bougonnerie, son sale caractère et sa condescendance. Mais parce qu'il est psychologiquement sacrément bien dépeint par l'auteur et qu'il s'adaptera aussi à ce nouveau monde, cela en fait un être attachant.
(Côte martienne ♦) Ce n'est pas une nouvelle martienne, mais elle aurait pu ☺. Effectivement, le commandant Brian Kearns, laissant les commandes à Caldwell, lui donne le choix d'atterrir sur Terre ou sur Mars. Lui aurait opté pour Mars en raison de ses déserts plus appropriés pour recevoir l'arche spatiale qu'est le « Homeward ». Sans compter que la population terrienne ne devait pas être trop centralisée, cela limitait les risques d'endommager des structures urbaines. Mais les messages radios restant sans réponse, Caldwell décide de se diriger vers la Terre. Si le contact radio avait été établi, nous aurions donc eu une histoire, peut-être pas si différente dans son contenu, mais avec un environnement martien.
Mars a donc été colonisée, et elle aurait aussi pu faire office d'étape de ravitaillement de carburant. Mais nous apprenons plus loin, que le trafic interplanétaire ayant cessé, tous les terriens sont revenus sur Terre. De plus, « il n'y a plus une seule goutte d'eau sur Mars. » Y en avait-il avant la colonisation, était-ce le résultat de la fonte des calottes polaires ou était-elle importée de Terre ? On ne sait pas, mais il y eu de l'eau. Et ce n'était pas du à la terraformation. La planète ne recelant d'aucune denrée comestible particulière, il fallait importer la nourriture de la Terre et ce à des coûts prohibitifs ! Il est évoqué des « raids martiens », sans doute un conflit entre terriens et colons martiens engendré par la surpopulation sur terre et le manque de ressource sur Mars.
Marion Zimmer Bradley La vague montante ♥♥♥ (The Climbing Wave, 1955) • Le Passager Clandestin, coll. Les Dyschroniques n°8, 2013
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