16 Octobre 2020
Quatrième de couverture
La montagne, les prairies, le grand air, ce n'est pas toujours aussi sain et bucolique qu'on le pense. Un peu plus loin dans la vallée, les vestiges d'une ancienne usine de tungstène sont encore visibles. Ensuite, il y a le village. Et ses habitants. C'est ça le pire, à commencer par ce combinard de Michel, le maire, qui ne montre pas vraiment le bon exemple à ses administrés. Alors, comment s'étonner que ceux qui ne sont pas obsédés par le sexe ne pensent qu'à l'argent, quand ce n'est pas les deux à la fois ? Tout est bon pour arriver à ses fins : menace, chantage, meurtre.
Rémi, lui, est un peu différent ; il ne parle qu'à ses poules, nommées Sten et Dhal, et à sa femme qui, hélas, devient chaque jour un peu plus laide, et pour cause : elle est morte.
Au milieu de cet essaim de frelons en folie, Maxime l'apiculteur n'a plus qu'une chose à faire : enfiler sa combinaison protectrice. Dans ce village de l'Ariège, ce n'est pas l'ours l'animal le plus dangereux...
Amoureux de la nature, Pascal Dessaint nous montre, cette fois, une tout autre facette de la vie des bêtes avec cette farce drôle et cruelle qui rappelle Siniac ou le Charles Williams de Fantasia chez les ploucs. Mené d'une plume alerte et impeccablement construit, Le Bal des frelons nous ramène à cette vérité première : l'homme est un loup pour l'homme, mais doté de quelque aptitude à la tendresse, histoire de ne pas désespérer de l'espèce.
Prenons un petit village français frontalier - que l'auteur se garde bien de nommer. Donnons-lui un air bucolique, avec son petit ruisseau, son lavoir, son banc public, ses prairies avoisinantes, sa miellerie... Puis faisons un zoom en avant pour y découvrir ses habitants : Antonin, l'ancien maton qui ne rêve que de tuer sa femme Martine, Martine, qui le lui rend bien, Maxime, l'apiculteur qui voit réapparaître son beau-fils Paul, Rémi, le timbré (enfin, ils le sont tous un peu quand même), qui a déterré sa femme morte Mariel, Mariel toujours aussi agaçante même dans la mort, Michel, le maire, qui a pas mal de choses à cacher, Coralie, la secrétaire frustrée amatrice de porno... Zoom en arrière. Dans une banlieue en barre, deux anciens taulards très revanchards, re-zoom en avant : à la préfecture, Charles, le gendarme qui n'a pas finit d'en voir de toutes les couleurs, et encore plus près l'ancienne usine de tungstène. Finalement le paysage n'est pas aussi folichon.
Pascal Dessaint nous livre une comédie humaine à la fois drôle, caustique, pathétique. On ne s'ennuie pas une seconde dans cette farce des plus folles qui nous offre une palette extraordinaire des extrêmes que peut atteindre l'âme humaine. Chaque personnage ayant une bonne raison de haïr son prochain, pense détenir le secret du crime parfait. Chacun attise sa haine de mille façons et prépare sa vengeance : ce plat qui se mange froid mais si possible bien accompagné. Parce qu'en plus il y en a deux ou trois qui ont la lâcheté chevillée au corps. Enfin ! Après cela ont dira que la nature est cruelle ? En tout cas j'aurai du mal à croire que Pascal Dessaint ne s'est pas amusé lui-même en écrivant. Je l'imagine bien se gausser en nous racontant l'histoire de "Paf" le chien (euh non, je veux de "Caroline" LE hérisson...). Les passages sur les ruches et la miellerie sont très intéressants et malgré la violence dont peuvent preuve entre elles les abeilles, ces interludes sont très reposants presque salvateurs car la montée en puissance des évènements, le point culminant de la tragédie qui se devine dès le début (sans que ce soit gênant), le délire absolu dans lequel tombe ce microcosme, sont certes jubilatoires mais aussi ultra violents. L'apothéose grand-guignolesque avec laquelle l'auteur clôt son roman est un régal. Moralité : le frelon n'est pas toujours asiatique.
Pascal Dessaint Le bal des frelons ♥♥ (2011) • Rivages/Noir
Crédits images, textes ©2011-2021 Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en septembre 2011 et mis à jour en octobre 2020 - Ne pas reproduire sans autorisation
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