11 Avril 2021
Quatrième de couverture
Voici le roman le plus célèbre et le plus émouvant de Marlen Haushofer, journal de bord d’une femme ordinaire, confrontée à une expérience-limite. Après une catastrophe planétaire, l’héroïne se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers, prend en main son destin dans un combat quotidien contre la forêt, les intempéries et la maladie. Et ce qui aurait pu être un simple exercice de style sur un thème à la mode prend dès lors la dimension d’une aventure bouleversante où le labeur, la solitude et la peur constituent les conditions de l’expérience humaine.
Ouvrage grandement littéraire mais dont le point de départ est un fait récurrent du genre SF, à savoir un cataclysme sans-doute nucléaire (ou assimilé), Le mur invisible, à l'instar de La route de McCarthy, est totalement inattendu tant dans sa forme que dans son sujet.
Écrit en 1963, en pleine Guerre Froide, il met en scène une femme, seule survivante dans une vallée autrichienne, protégée du désastre par un mystérieux mur qui l'a préservée des dégâts. De l'autre côté du mur, tout semble figé : les hommes, les animaux, les insectes, les oiseaux ; plus rien ne bouge, plus rien ne vit, un monde pétrifié.
Deux ans après les faits, elle décide d'écrire son histoire en se basant sur des calendriers annotés, des notes éparses ou ses simples souvenirs. Le texte est écrit d'une traite sans aucun chapitre. Absence de dialogues évidemment dans ce parfait monologue puisque ses seuls compagnons vivants sont les animaux du chalet où elle se trouvait lors de la catastrophe.
La littérature ne manque pas de portraits féminins forts mais ici la femme se retrouve seule en prise avec une nature hostile qui l'oblige à organiser sa survie tel un Robinson mais sans son Vendredi. À la place, Lynx, le chien, Bella, la vache et la vieille chatte et son petit Tigre, puis Taureau la descendance de Bella.
Ce texte fort dont la redondance des situations est inévitable mais habilement menée pour éviter toute lassitude touche le lecteur au plus profond de lui-même. Les relations que cette femme va entretenir avec la terre, avec la nature et les animaux, devenus ses seuls compagnons de route, ne cesse de nous bouleverser. Cette femme ordinaire mais plutôt urbaine, va devoir apprivoiser son environnement. D'abord à l'aide d'almanachs trouvés dans la bibliothèque du chalet, ensuite par instinct. Elle se laissera d'ailleurs aller à quelques réflexions intéressantes, tant au niveau de ses semblables que des hommes en particulier.
Un roman dur, contemplatif ! Une post-face très intéressante de Patrick Charbonneau permettra également de mieux découvrir l’œuvre de la romancière autrichienne et d'avoir quelques clés pour mieux apprécier ou décoder Le mur invisible.
En 2012 (sorti en 2013 en France), le roman est adapté au cinéma par le réalisateur autrichien Julian Roman Pölsler. Ce dernier avait découvert le livre de Haushofer dans les années 80 et n'avait plus comme but que de porter à l'écran ce qu'il considérait comme son « livre de vie ». Après des années, des droits passants des uns et aux autres, il finit enfin par mettre son projet sur pied.
Filmé en deux mois en Haute-Autriche, la photographie est transcendante. Le film peut paraître ennuyeux à certains (et surtout à ceux qui n'ont pas lu le livre) car Pölsler, prend le temps. Un temps à l'arrêt si les saisons n'en donnaient pas le tempo. Des saisons qui s'écoulent sur les montagnes et la prairie dans une lumière naturelle époustouflante !
C'est un film d'artiste, plein de beauté, d'empathie et de respect de la nature et des animaux.
Quant à Martina Gedeck, actrice allemande très connue outre-Rhin, elle endosse le rôle de la femme (elle n'a pas de nom) qui lutte contre l'isolement avec une grande justesse.
Pour finir, la musique de Bach qui s'ajoute aux instants de contemplation et d'écoute de la nature, sublime le film !
De toute évidence, ce roman ne pouvait être adapté que par quelqu'un qui y était aussi intimement attaché que Julian Roman Pölsler.
Anecdotes
• Martina Gedeck se double elle-même dans la version française
• Luchs est le chien (crédité) de Julian Roman Pölsler qui l'a dressé lui-même.
• Marlen Haushofer Le mur invisible ♥♥♥ (Die Wand, 1963) • Babel/Actes Sud
• Julian Roman Pölsler Le mur invisible ♥♥♥ (Die Wand, 2012) [1h50]
Avec Martina Gedeck, Luchs
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