25 Février 2021
Quatrième de couverture (écourtée)
Sayaka Kurahashi va mal. Mariée à un homme d'affaires absent, mère d'une fillette de trois ans qu'elle maltraite, elle a déjà tenté de mettre fin à ses jours. Et puis il y a cette étonnante amnésie : elle n'a aucun souvenir avant l'âge de cinq ans. Plus étrange encore, les albums de famille ne renferment aucune photo d'elle au berceau, faisant ses premiers pas... Quand, à la mort de son père, elle reçoit une enveloppe contenant une énigmatique clef à tête de lion et un plan sommaire conduisant à une bâtisse isolée dans les montagnes, elle se dit que la maison recèle peut-être le secret de son mal-être. Elle demande à son ancien petit ami de l'y accompagner.
👉 La quatrième de couverture d'Actes Sud en dévoile un peu trop. Si vous tenez le livre dans vos mains, retenez-vous d'en lire plus que ci-dessus et laissez-vous porter.
Ce récit étrange et obsédant est construit comme un roman d'énigmes dont la chronologie des évènements qui sont révélés peu à peu aux deux protagonistes n'a rien de linéaire. Keigo Higashino utilise trois formes littéraires : la narration classique, le journal intime et le style épistolaire. Parfaitement imbriquées les unes dans les autres, elles donnent du rythme, créent de l'échange, du suspense et même une interactivité ludique.
Le lecteur est totalement impliqué dans l'enquête. Il progresse avec les héros au fur et à mesure des indices dévoilés, se forgeant sa propre idée des faits. Il extrapole et fait travailler sa capacité de déduction, content de repérer les mêmes détails que les personnages, étonné ou surpris quand ce n'est pas le cas, toujours sur le qui-vive, constamment dans l'attente du dénouement.
L'autre point fort de ce polar japonais, c''est évidement le contexte psychologique du récit que l'on devine très grave mais qui, à aucun moment, ne bascule dans le sordide ou le glauque. Il y a une certaine froideur face à des situations émotionnellement fortes, pourtant cela ne déclenche pas l'animosité, la frayeur, le jugement et encore moins l'indifférence. En progressant dans l'histoire, on est, paradoxalement au style ludique qui nous implique, spectateurs d'une remise en question des plus constructives. On acquiert vite le recul nécessaire pour chercher à comprendre plutôt que de juger. Et la forme que l'auteur s'impose force le dialogue et la réflexion.
Les deux personnages vont durant deux jours, dans un huis-clos mystérieux mais pas étouffant tenter de survivre à leur passé. De déclencher les verrous d'une mémoire refoulée. Et d'aborder l'avenir avec de nouveaux bagages. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre la quatrième de couverture, on sort indemne de ce roman même s'il traite de sujets poignants. Il permet de voir les choses différemment. D'ailleurs la révélation surprenante qui touche au mystère de la maison elle-même prouve bien qu'il y a toujours un deuxième angle de vue.
Keigo Higashino La Maison où je suis mort autrefois ♥♥♥ (Mukashi bokuga shinda ie /むかし僕が死んだ家, 1997) • Babel Noir
🏆 Prix Cognac du roman policier étranger 2010
Crédits images, textes ©2010-2021 Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en novembre 2010 et mis à jour en février 2021 - Ne pas reproduire sans autorisation
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