26 Février 2020
This Island Earth de Joseph Newman est l'adaptation d'un roman éponyme de Raymond F. Jones publié en trois parties sous forme de nouvelles entre juin 1949 et février 1950 dans Thrilling Wonder Stories puis réécrit par l'auteur pour le faire paraître en un seul volume en 1952.
L'histoire (spoil)
Une première partie essentiellement terrestre est placée sous le signe de la prospection scientifique. Un savant, Cal Meacham (Rex Reason), spécialiste de l’énergie nucléaire, est contacté par un mystérieux personnage hydrocéphale qui lui propose de rejoindre sa propre équipe de savants. La curiosité, sans compter la méthode de communication utilisée : une sorte de webcam en kit à monter façon Ikéa, « l'Interocitor » et qui s’autodétruira après utilisation, pousse Meacham à répondre à l’invitation. Il s’y rend par avion, lequel est complètement automatisé.
Technologies métaluniennes : l'Interocitor et l'avion automatisé ©captures d'écran (Cliquez pour agrandir)
Sa rencontre avec le Dr Exeter (Jeff Morrow) montre que les attentes de ce dernier ne sont pas très pacifiques. Il essaie donc de s’enfuir, accompagné d’une autre scientifique, Ruth Adams (Faith Domergue), mais ils sont rattrapés par la soucoupe volante d’Exeter.
Exeter ; Soucoupe d'Exeter attirant l'avion de Cal et Ruth ©captures d'écran (Cliquez pour agrandir)
Le film bascule ensuite dans un véritable space-opera. Exeter et ses acolytes sont en fait issus de la planète Metaluna, attaquée par les Zhagons. Ils étaient venus sur Terre pour faire le plein d’uranium afin de protéger leur planète d’une destruction massive.
Malheureusement Metaluna ne pourra pas être sauvée, faute d’énergie nucléaire suffisante. Exeter, gravement blessé, et les deux scientifiques quittent la planète pour revenir sur Terre.
Les Survivants de l’Infini (This Island Earth) de Joseph Newman (1909-2006) est un film à côté duquel on ne doit pas passer ; c'est une œuvre inspirée et riche qui a laissé une empreinte sur un grand nombre de films de science-fiction.
Il est considéré comme le premier space-opera du cinéma, bien avant Star Wars et ses effets spéciaux éblouissants et sa réalisation en technicolor le rendent encore plus appréciable. Les explosions dans l'espace ou sur Metaluna sont très réussies pour l'époque. Quant à la planète elle-même, elle révèle une cité souterraine totalement assiégée. On regrette de ne pas passer plus de temps dans ce décor, certes figé, mais magnifique.
Si la première partie est un peu longue par rapport à la durée globale de 1h10, sans être ennuyeuse, elle regorge de petits détails rigolos ancrés dans les années 50 : les savants qui travaillent en costume-cravate, la courtoisie des dialogues même en situation de crise, les soucoupes volantes, les sobres combinaisons spatiales, les décors futuristes minimalistes et le monstre craignos.
Costumes-cravates ; combinaison métalunienne et monstre craignos ©captures d'écran (Cliquez pour agrandir)
À noter
Deux séquences très furtives font penser à Alien : le chat de la première partie (« joué » par Orangey, qui eut une longue vie cinématographique), en plus de ressembler à celui du « Nostromo », est annonciateur d'un drame et lorsqu'à la fin le mutant arrive, in-extremis, à re-rentrer dans le vaisseau, relançant le suspens.
Ce film s’avère très humaniste dans un contexte de guerre froide. Il reste une impression d’injustice, vis à vis des métaluniens qui n’ont pu être sauvés. De plus, le message écologique est clair : rien ne sert d'avoir des technologies avancées si d'un autre côté on épuise ses ressources. Or c'est exactement où nous en sommes, nous terriens du XXIe siècle.
À sa sortie, This Island Earth fut salué par la critique pour ses effets spéciaux. Le réalisateur Newman avait tout misé dessus et sur une impression directement en Technicolor. Mais en n'engageant pas d'acteurs connus (et donc chers) au profit de la technique, certains critiques jugèrent qu'à contrario les personnages manquaient de caractère. Ainsi les vrais stars furent surtout les techniciens qui avaient contribué à ce travail visuel incroyable : William Fritzsche (consultant technicolor), Russel A. Gausman et Julia Heron (décors), Alexander Golitzen et Richard H. Riedel (direction artiste) David S. Horsley et Clifford Stine (photographie), Bud Westmore (maquillage).
Il est à noter que les séquences sur Metaluna tournées par Newman n'ayant pas convaincu la production, cette dernière fit appel à Jack Arnold (non crédité), plus habitué aux films de science-fiction (Le Météore de la nuit, L'Étrange Créature du lac noir, L'homme qui rétrécit) pour les retourner.
(à gauche) Maquette de la soucoupe attirant l'avion avant l'ajout du rayon vert • (à droite) À l'arrière du décor de Metaluna, les pyrotechniciens Ed Baldwin (gauche) et Eddie Stein (droite) attendant les instructions du superviseur des maquettes Charlie Baker (dans le cratère) et du photographe Stan Horsley (debout)
Le personnage néanmoins le plus emblématique était le métalunien Exeter.
En 1954, Jeff Morrow (1907-1993) fut contacté par Universal pour tenir ce rôle.
Interviewé en 1987 par la revue Starlog, il expliqua qu'à la lecture du scénario, il trouva son personnage beaucoup trop simpliste. Il convainquit la production de réécrire le script afin d'en faire l'incarnation d'un vrai scientifique et de mieux expliquer ses motivations.
Lors du tournage, la physionomie particulière du métalunien imposa à Morrow deux heures de maquillage avant chaque scène. En plus, il était sensé être déguisé en terrien (la peau des métaluniens étant bleue), donc il fallait trouver la bonne couleur de peau pour avoir le meilleur contraste et cela ne fut pas simple.
« On devait me placer très soigneusement un front élargi sur lequel on posait une perruque. Elle était si blanche que nous étions avec la coiffeuse, tous très inquiets de ce que cela donnerait à l'écran. On fit un test et comme nous nous y attendions, mes cheveux ressemblaient à de la barbe à papa. C'était horrible ! L'équipe de réalisation décida de foncer la pellicule pour que les cheveux ne paraissent pas aussi blanc. Mais alors, ma peau devint comme si j'avais passé toute ma vie en plein soleil ! Alors, chaque jour, petit à petit, la coiffeuse tentait de peigner la perruque différemment, créant des ondulations afin de donner du relief. La lumière directe fut adoucie et finalement je finis par avoir l'air suffisamment « humain ».
Quelques années plus tard Jeff Morrow porte sur ce film un regard affectueux et semble se souvenir davantage des mauvaises que des bonnes critiques. Il confit que le film fut sans doute sous-estimé par quelques critiques new-yorkais alors qu'il n'avait coûté que $750.000, avait été tourné en six semaines et était très en avance sur son temps en matière d'effets spéciaux.
Quant au monstre de fin, il expliqua qu'il n'était pas prévu. Il fut rajouté pour s'assurer l'audience de la jeunesse. L'acteur pense qu'il aurait pu être coupé au montage et c'est vrai que dans le scénario il n'apportait rien. Rex Reason (1928-2015) qui tenait le rôle de Cal Meacham, déplora aussi cette insertion qui desservait le réalisme du reste du film. (Starlog n°140 de mai 1987).
[Mais aujourd'hui, pour nous amateurs de SF, il serait inimaginable de le supprimer, n'est-ce pas ? ☺]
Autre anecdote sur le mutant
L'acteur Regis Parton (1917-1996) devait avoir un costume dont le bas correspondait au haut du corps (des pieds bizarre en forme de pinces). Mais la combinaison rendait les mouvements trop compliqués. On la remplaça par un simple pantalon. Toutefois sur l'affiche, le mutant est tel qu'il aurait du apparaître dans le film.
Tête du mutant ©archives de Forrest J. Ackerman • Regis Parton (gauche) dans le costume du mutant et le producter William Alland • le maquilleur Bud Westmore entouré de maquettes du mutant (Cliquez pour agrandir)
Quant à la soucoupe volante d'Exeter, c'est la reproduction de celle aperçue et photographiée en 1950 par Paul Trent, un fermier de McMinnville en Oregon. On n'a jamais pu prouver que les deux photos prises ce jour-là étaient truquées.
Une dernière anecdote
Dans le logo qu'Universal International afficha jusque dans les années 80, c'est la maquette de la planète terre (que l'on aperçoit quand la soucoupe part dans l'espace) de This Island Earth qui a été reprise.
Ce que je trouvais important dans ce film, c'était qu'il y avait un sentiment d'espoir - que si jamais nous venions à rencontrer des êtres d'une autre planète, d'une certain façon, nous serions en mesure d'avoir assez de compréhension pour communiquer. Au moins espérons que nous communiquerions.
Sources pour la partie « Coulisses »
• Starlog n°118 de mai 1987 (US magazine)
• Starlog n°140 de mars 1989 (US magazine)
• Les images en N&B sont tirées du livre : This Island Earth Philip J. Riley ed. MagicImage, coll. Universal Filmscript Series (1989, en anglais)
• Everything you need to know about This Island Earth de Jonathan Baak, documentaire de 13' sur Youtube (en anglais - Sous-titrage aussi en anglais)
• Wikipédia US et France
ON EN PARLE AUSSI SUR LE GALION DES ÉTOILES 👇 |
Les Survivants de l'Infini | This Island Earth | 1955
La planète Metaluna, en guerre avec un monde voisin, Zahgan, recherche de l'uranium pour continuer la lutte. L'agent Exeter est envoyé sur Terre pour recruter les meilleurs esprits scientifiques de
https://www.legaliondesetoiles.com/Les-Survivants-de-l-Infini--This-Island-Earth--1955_a965.html
Joseph Newman et Jack Arnold (non crédité) Les survivants de l'Infini ♥♥♥ (This Island Earth, 1955) [1h15, Technicolor] • Produit par William Alland • Disponible sur Youtube en HD (VO anglaise non sous-titrée)
Crédits images & textes ©2009-2022 Erwelyn - Cet article a été écrit en décembre 2009 pour le forum (fermé) de la Librairie Soleil Vert et mis à jour en février 2020 - Ne pas reproduire sans autorisation
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