20 Février 2020
Présentation
Nous projetant en 1997, un jour de grosse canicule, la nouvelle s’ouvre sur la conversation entre le manager Tim « Steel » Kelly et son acolyte mécanicien Pole. Entre eux, Battling Maxo, leur « roBoxeur » ancienne génération, un B-2, est l’objet de leur préoccupation. Il doit combattre le soir même un B-7, certes pas encore rodé, mais techniquement bien plus performant que leur robot rouillé.
Dans ce monde futuriste, les combats de boxe avec des humains ont été totalement abolis. Des androïdes ont pris la place des sportifs sur le ring. Ils sont à s’y méprendre aussi ressemblants que possible aux humains : de la peau, du sang. Or le B-2 est bon pour la casse. Malgré les avertissements de Pope, Steel s’obstine. Mais quand une pièce maîtresse casse quelque temps avant le combat, la seule solution qui leur reste est que Steel, lui-même ancien boxeur, se substitue à Battling Maxo.
Richard Matheson nous a quitté en 2013 laissant derrière lui de nombreuses nouvelles écrites entre 1950 et 2003. Assez irrégulières et souffrant quelques fois d’une traduction simpliste qu’il faudrait ré-envisager où la redondance de vocabulaire est de mise, certaines restent pourtant gravées dans notre mémoire grâce à leurs adaptations dans la série Twilight Zone (La Quatrième Dimension).
Steel, écrite en 1956, traite de thèmes récurrents de la science-fiction : les robots, les dystopies et les futurs proches.
Ainsi en 1997, on ne fait plus se combattre les humains. Ce pourrait être une bonne chose. Mais cela pose d’autres problèmes. D’abord celui de l’évolution technologique et de l’écart qu’elle creuse avec les populations moins argentées. Il est clair que c’est le manque d’argent qui ne permet pas à Steel et Pope de faire monter sur le ring leur robot, voire d'en acquérir un de nouvelle génération. Ensuite est évoquée l’obstination de Steel à vouloir combattre avec son B-2. Il refuse d'accepter qu’il n’est plus le meilleur, qu’il est dépassé, tout comme il a été cruel pour lui-même d’admettre qu’il ne boxerait plus qu’au travers d’une machine.
Cette résistance à l’évolution technique le pousse à démontrer que l’humain a encore sa place dans ce bas monde. L’affrontement qui s’ensuit sur le ring est bien sûr cruel. On assiste au massacre d’un homme aux abois, désespéré, prêt à tout pour gagner et dont le seul atout est sa rage de vaincre. L’auteur ne relativise pas le combat. Le monde de la boxe y est très bien retranscrit tant dans sa violence physique que psychologique. Même avec des androïdes, ce sport reste brutal, corrompu et fait appel aux bas instincts des spectateurs.
L’adaptation scénarisée par Richard Matheson lui-même et réalisée par Don Weis en 1963 pour Twilight Zone (Saison 5 ép. 02) est la plus fidèle adaptation et un des meilleurs épisodes de la série. La date futuriste a été ramenée à 1974 et quelques détails sans grandes importances ont été réutilisés différemment. Lee Marvin endosse admirablement le rôle de Tim « Steel » Kelly, tandis que Joe Mantell prend les traits de Pole. Dans la conclusion de l’épisode, Rod Sterling met l’accent sur le potentiel de l’humain à rester tenace et optimiste quoiqu’il arrive. Ainsi, Steel, malgré sa défaite, ne pense qu’à une chose : retaper son B-2 avec le peu d’argent récolté. S’il n’était cette belle leçon de positivisme, on pourrait aussi se dire qu’il ne cherche pas à évoluer avec son temps. A vouloir concentrer ses efforts sur un vieux tas de ferraille alors qu’il pourrait au contraire essayer de s’en procurer un plus récent, ne manifeste-t-il pas autant une marque d’anti-consumérisme que d’immobilisme ? L’indéracinable Steel n’est pas un robot, il est juste un humain plein de contradictions.
En 2004, c’est chez les Simpsons qu’on trouve une référence notable à la nouvelle de Matheson. L’épisode 9 de la saison 15, Robotflop (I, (Annoyed Grunt)-Bot), rend hommage à Steel (tout en faisant des clins d’œil à I-robot – pour le titre -, à Robocop, à Terminator et aux lois de la robotique d’Asimov).
Homer y construit pour son fils Bart un robot qui, malheureusement, ne marche pas. Homer se fait alors passer pour le robot. Mais Bart, ignorant que son père est à l’intérieur, l’envoie dans la « Baston des robots », une émission où des robots se combattent. À mesure que les combats s'enchaînent, les adversaires sont de plus en plus coriaces. À la fin, Homer est expulsé de sa boîte par un robot menaçant qui s’arrête immédiatement car il est programmé pour ne pas blesser les humains.
La version de 2011 de Shawn Levy, Real Steel, est une sorte de mixte entre SF, film sportif et drame familial. Rien qu’en cela, il s’éloigne de l’aspect dystopique de la nouvelle. C’est bien plus une histoire sur la relation père/fils qu’homme/robot. Les androïdes faits de chair et de sang originaux sont ici remplacés par des robots massifs d'acier de 900kg et de plus de deux mètres. Cela reste un film très agréable à regarder que Matheson lui-même dit avoir apprécié (Lire une interview de l'auteur à propos du film sur Screenrant - en anglais).
Richard Matheson L‘indéracinable ♥♥ (Steel) • dans le tome 1 de l'intégrale des Nouvelles J’ai Lu Fantastique
Don Weis Steel ♥♥♥ • Épisode 2 de la saison 5 de Twilight Zone Avec Lee Marvin
Lauren McMullan Robotflop (I, (Annoyed Grunt)-Bot) • Épisode 9 de la saison 15 des Simpsons
Shawn Levy Real Steel ♥♥ Produit par Shawn Levy et Don Murphy Avec Hugh Jackman, Dakota Goyo, Evangeline Lilly
• Autre texte de 1956 mettant en scène des robots boxeurs : Title fight de William Gault
Crédits images & textes ©2013-2022 Erwelyn - Cet article a été écrit en décembre 2013 pour le site néo-calédonien les Échos d'Altaïr et mis à jour en février 2020 - Ne pas reproduire sans autorisation
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