27 Janvier 2021
Quatrième de couverture
Trente écueils menaçants cernent l'île de Sarek en Bretagne. Les habitants superstitieux l'appellent l'île aux trente cercueils. Une légende les hante : trente victimes doivent mourir dont quatre femmes en croix. Véronique d'Hergemont, venue chercher son fils après quatorze ans d'absence, a la désagréable surprise de voir ses initiales sur les bornes, sur les portes des chapelles et son visage sur un dessin de femme crucifiée ! L'étrange atmosphère des légendes celtes, cette « Pierre-Dieu qui donne mort ou vie», la prédiction sanglante, le monstrueux comte Vorski, voilà de quoi frissonner d'angoisse et de terreur. Arsène Lupin, heureusement, et un petit chien nommé Tout Va Bien, sont là pour affronter la malédiction ! Un roman fantastique de Maurice Leblanc dont le sens du suspense et de la mise en scène, dans cette île déchiquetée et sauvage, font ressortir l'humour du dénouement.
Certains d'entre vous se souviennent peut-être d'un feuilleton qui passait dans les années 80 à la télévision française. On y voyait des femmes en croix, sur une île bretonne entourée d'écueils meurtriers... c'était l'adaptation de ce roman assez atypique de Maurice Leblanc, publié en feuilleton dans Le Journal du 6 juin au 3 août 1919, qui aborde bien plus le fantastique que le roman policier.
Le roman démarre dans une atmosphère extrêmement angoissante, laissant une grande place aux légendes, prophéties et autres croyances très présentes en Bretagne, baladant l'héroïne dans un décor presque gothique avec son prieuré, ses caves, ses souterrains, ses croix... Puis il bascule dans un genre quasi comique, loufoque (c'est l'intervention tardive et inattendue d'Arsène Lupin) comme pour démonter toutes ces superstitions imbéciles. La logique, la science et la raison étant les seuls éléments pouvant expliquer tous ces mystères, à la manière de Jules Verne avec son 👉 Château des Carpathes, Maurice Leblanc nous offre un parfait pied-de-nez même si on aurait mieux aimé l'apogée du fantastique que sa démolition quelque peu condescendante.
Anecdotes*
• le menuisier de Leblanc, dans la ville d'Étretat, a vu le romancier s'enfuir à grands cris parce qu'en entrant dans l'atelier, il avait aperçu deux cercueils en construction... alors que lui-même venait d'évoquer tant de visions d'horreur dans son roman.
• une annonce, passée en 1918 dans la presse locale, nous apprend que Maurice Leblanc, se rendant à Tancarville, s'était fait voler sa valise. Il priait celui qui l'avait « trouvée » de déposer le manuscrit de L'île aux trente cercueils, qui y était contenu, à l’hôtel de ville du Havre. L'information a été relayée avec une jolie ironie par le journal Le Siècle du 19 mai 1918.
*Source : Maurice Leblanc, Arsène malgré lui de Jacques Derouard (Librairie Séguier)
Comme il est très commun aux auteurs de brouiller les pistes tout en s'inspirant de la réalité, la carte fictive présente dans le roman est très ressemblante avec l'île anglo-normande de Sark (Serk ou Serq, en français), proche de Guernesey dans la Manche.
En inversant la carte verticalement et horizontalement, c'est flagrant.
Quant aux noms Sark et Serk, une fois mixés, ils offrent toutes les lettres de Sarek. On s'accorde à ces simples concordances. (Hors les analyses ésotériques des œuvres de Leblanc qui peuvent nous amener beaucoup plus loin, mais c'est 👉 une autre histoire.)
... L'auteur situe son intrigue en Bretagne, au large de l'archipel des Glénan dans le Finistère-sud. Et on n'invente pas un nom de lieu comme ça surtout en Bretagne où tous les noms sont rattachés à l'étymologie bretonne. Et pourquoi Sark et pas une île des Bahamas ? ça sonne bien ? mais ça ne sonne pas breton.
Comment alors relier Sark et les Glénan autrement que par un simple anagramme ? Je pense qu'avant tout Leblanc a cherché un lieu breton dont le nom l'inspirait. Or, il existe dans les Glénan un récif appelé Karek-Braz (« le grand récif » en breton de karreg/roche-récif-écueil et de braz/grand). On peut imaginer que Leblanc connaissait la signification de braz (très courant dans les noms de famille ou de lieux) et qu'il ait trouvé le nom de Karek attrayant, avant de réaliser que ce n'était qu'un gros rocher, où il ne pourrait jamais placer son intrigue. Il fallait donc trouver un lieu avec la bonne superficie et un nom qu'il pourrait faire correspondre à l'étymologie bretonne de Karek. Je pense que Sark s'est imposé comme étant le bon compromis pour créer son île fictive sur la base d'un lieu réel dont le nom rappellerait l'étymologie recherchée.
► Dans S-ark en anglais et S-erk en français il pouvait extraire ce qui ramenait au nom de Karek : → kar+rek = Karrek → karreg ou Karek
Le S vient ensuite remplacer le premier K pour donner un faux nom « Sarek » se référant néanmoins autant à la source bretonne « Karek » qu'à la source topographique « Sark ».
Je vous l'ai dit, ça vaut ce que ça vaut...
🎬 Un feuilleton de 6 épisodes a été réalisé par Marcel Cravenne en 1979 avec Claude Jade, Jean‑Paul Zehnacker, Georges Marchal, Yves Beyneton
Musique de Karl-Heinz Schäfer
Le scénario est très fidèle à la différence qu'Arsène Lupin n'y apparaît pas. Effectivement, son entrée en scène étant très tardive dans le roman, le réalisateur l'a jugé sans intérêt pour l'histoire.
On notera aussi une adaptation BD en un volume par Marc Lizano.
Maurice Leblanc Arsène Lupin tome 11 L'île aux trente cercueils ♥♥ (1919) • LGF
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