3 Novembre 2019
Quatrième de couverture (Folio Junior)
Coûte que coûte, Ned Malone a décidé qu'il arriverait à arracher une interview au professeur Challenger. C'est un savant réputé, mais colérique et redoutable, qui n'a que mépris pour les journalistes. Contre toute attente, c'est lui qui entraînera Ned au cœur de l'Amazonie pour d'inoubliables expériences dans un monde perdu où l'évolution s'est arrêtée des millions d'années plus tôt.
Pour beaucoup les écrits d'Arthur Conan Doyle se limitent aux enquêtes de Sherlock Holmes. Pourtant, il a décliné quelques œuvres ayant un autre personnage récurent : le professeur Challenger, un aventurier et explorateur au caractère bien trempé, vaniteux et irritable qui apparait pour la première fois en 1912 dans Le monde perdu.
On peut situer ce roman d'aventure entre Le Voyage au centre de la terre de Jules Verne (1864) et Tarzan d'Edgar Rice Burroughs (1912). Dans le premier cas parce que depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, de nombreux récits confrontent le lecteur à l'univers préhistorique. Dans le second, parce que l'exploration de contrées reculées est arrivée à son apogée, que l'on ne finance plus les zoologistes, naturalistes et autres géographes, et que le rêve d'aventure doit être relancé autrement et c'est le romanesque qui s'y prête le mieux. Ainsi donc, l'Amérique du Sud (ou l'Afrique de Tarzan), suite à la publication du roman de Doyle, redevint un centre d'intérêt et ressuscita des vocations et de nombreuses explorations furent remontées pour découvrir ce mystérieux monde perdu.
Arthur Conan Doyle reste dans le domaine des connaissances de son époque. Ainsi, les dinosaures rencontrés ont bien existé. Il se réfère à de nombreux naturalistes, scientifiques et explorateurs ayant fait avancer la connaissance des espèces, de la géographie et de l'évolution (voir en fin d'articles). Certes, tout n'est pas crédible, mais la sensation d'immersion dans cette Amazonie inconnue est réelle et le divertissement au rendez-vous.
Depuis plusieurs années, ce roman est essentiellement édité en collection jeunesse (Folio Junior, Hachette). Les chineurs trouveront peut-être le J'ai Lu SF paru en 2001 (qui contient une erreur de taille sur sa quatrième de couverture annonçant que Gladys faisait partie du voyage alors que pas du tout !) ou la collection 1000 Soleils qui nous offre une très belle couverture d'Enki Bilal.
On lit souvent que ce roman a influencé le Jurassic Park de Michael Crichton, et les monstres de cinéma tel King Kong et Godzilla. Sans aucun doute mais l'inspiration vient moins du roman que de l’adaptation qui en a été faite en 1925 par Harry O. Hoyt. Ce film muet en noir et blanc est un chef d’œuvre, et encore plus depuis 2016 où il a été restauré et remonté grâce à quatre copies différentes, permettant ainsi de passer d'un film d'un peu plus d'1h à 1h40.
Si à la fin du roman, nos héros rapportent à Londres un spécimen de ptérodactyle qui malencontreusement prend son envol, on est loin de la vision du diplodocus du film qui, échappé du bateau à l'accostage, crée la panique dans les rue de Londres, écrasant tout sur son passage jusqu'au Tower Bridge avant de rejoindre la Tamise puis la mer dans une dernière image qui n'est pas sans rappeler les photos qui ne viendront qu'en 1934 du mystérieux monstre du Lockness...
Si cette adaptation fait l'impasse sur quelques passages du roman et réinvente la romance initiale pour l'étoffer un tant soit peu - c'est l'amour pour Gladys qui pousse le héros à s'embarquer pour cette aventure, mais dans le film, un deuxième personnage féminin est créé - c'est surtout par les effets spéciaux incroyables pour l'époque de Willis O'Brien (que l'on retrouve sur le tournage de King Kong en 1933). Du stop-motion (image par image) dans toute sa splendeur.
On pourrait presque être tenté de préférer le film au livre, ce qui est rare. La vérité est que les deux se complètent et qu'il ne faut se priver ni de l'un, ni de l'autre.
Anecdotes
• Harry O. Hoyt fait un clin d’œil à Sherlock Holmes en affublant un des personnages, en plus de la pipe qu'il a bien aussi dans le roman, de la casquette bien reconnaissable du détective.
• Le "nègre" Zambo du roman est joué à l'écran par l'acteur américain Jules Cowles (1877†1943), un acteur blanc qu'on maquilla de noir.
• Le logo de Jurassic Park ressemble beaucoup à celui qui était inscrit sur le clap de Lost World. Coïncidence ?
D'autres adaptations cinématographiques existent, celle de 1960 d'Irvin Allen est ultra kitch. Il y a eu aussi quelques téléfilms et mangas et bandes-dessinées. Voir la fiche Wikipédia pour une liste exhaustive.
• Henry Walter Bates (1825†1892) : entomologiste britannique explorateur du bassin amazonien avec Alfred Russell Wallace
• Maurice Bienaimé : il n'est pas cité ouvertement, mais son exploit est approximativement relaté par l'auteur : celui d'avoir parcouru la plus longue distance en 1912 lors de la course en ballon de La Coupe Gordon-Bennett en partant de Stuttgart en Allemagne jusqu'à Riga en Lettonie, soit 2191 km en 46h.
• Richard Francis Burton (1821†1890) : érudit britannique, explorateur, écrivain, diplomate et tant d'autres choses !
• Robert Clive (1725†1774) : noble anglais, gouverneur du Bengale.
• Lady Stanley (Dorothy Tennant) (1855†1926) : femme de l'explorateur britannique Henry Morton Stanley (1841†1904) parti en Afrique à la recherche d'un autre explorateur disparu, David Levingstone. Elle publia en 2 volumes une autobiographie de son mari.
• Alfred Russell Wallace (1823†1913) : naturaliste, anthropologue et géographe britannique, explorateur du bassin amazonien aux côtés d'Henry Walter Bates.
Arthur Conan Doyle Le monde perdu ♥♥ (The lost world, 1912)
• LGF (2015) • Folio Junior (2009) • Gallimard 1000 Soleil (1978)
• dans Les exploits du Pr Challenger et autres aventures étranges Laffont, Collection Bouquins (1989)
Harry O. Hoyt The Lost World ♥♥♥ (1925) [2h15, N/B]
• DVD de 2016 (Lobster Films) Version longue et bonus notables.
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