📚🎬 H.G. WELLS - LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE (FIRST MEN IN THE MOON, 1901)

📚🎬 H.G. WELLS - LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE (FIRST MEN IN THE MOON, 1901)


Quatrième de couverture
Connaissez-vous la « Cavorite » ? Grâce à cette invention, Bedford, un écrivain à l'âme d'aventurier, et Cavor, un savant idéaliste, parviennent à défier la gravité et s'envoler vers la Lune. Au terme du voyage, ils découvrent des cratères gelés qui sont envahis de végétation tropicale dès qu'apparaît le Soleil. Mais les deux explorateurs n'avaient pas imaginé que la Lune puisse être habitée.

 

Ce titre de H.G Wells paru initialement en feuilleton dans Strand Magazine entre 1900 et 1901 était illustré par Georges Edward Hering. L'édition française de 1913 (disponible sur Gallica) est illustrée par Claude Shepperson.

Illustrations pour la première édition de 1901 de Georges Edward HeringIllustrations pour la première édition de 1901 de Georges Edward Hering

Illustrations pour la première édition de 1901 de Georges Edward Hering

Le roman est découpé en trois parties.
La première nous raconte la rencontre dans le comté du Kent entre le narrateur et le savant Cavor et son invention, la « cavorite », un très bon exemple de sérendipité.
La seconde : sans s'embarrasser de véracité scientifique malgré le nombre de noms de scientifiques évoqués (voir plus bas), l'aventure lunaire avec la découverte de sa géologie, de son climat, de sa faune, de sa flore et de ses habitants et de leur société, des hommes-fourmis vivant sous terre et dont la technologie est très avancée. “Perte énorme de poids, air raréfié mais hautement oxygéné, développement rapide d'une végétation fantastique naissant de spores obscures.”
La dernière partie, qui, dans la chronologie de l'histoire se situe environ deux ans après les faits précédents, est peut-être la plus intéressante car elle laisse place au discours social sous-jacent de l'auteur. En effet, comme la plupart des romans de Wells, celui-ci se dévore, certes - le passage sur la Lune est une aventure palpitante faite d'action, de suspense et de descriptions lunaires totalement fantaisistes, mais le prétexte en est une critique acerbe de la société en mettant en opposition les organisations terriennes et sélénites.

Illustrations de l'édition française de 1913 de Claude Shepperson ©GallicaIllustrations de l'édition française de 1913 de Claude Shepperson ©Gallica

Illustrations de l'édition française de 1913 de Claude Shepperson ©Gallica

Cette mise en opposition est aussi présente dès le début en confrontant deux personnalités aux motivations différentes : Bedford, un businessman plein de dettes, écrivain par calcul, opportuniste prêt à tout pour transformer la moindre aventure en source de profit et le scientifique Cavor, dont le seul but est la recherche et non les applications qui pourraient en découler. Il est celui qui veut communiquer avec les Sélénites, quand l'autre les tue facilement. Il est celui qui voit en la science une source d'amélioration, quand l'autre la diabolise aisément. Il est celui surtout qui comprend très vite la société élaborée des Sélénites, tant socialement que technologiquement et qui cherche à les préserver de l'influence néfaste qu'auraient les humains, avec leurs guerres, leurs famines, leurs maladies, sur eux ; l'autre tente le possible pour ramener sur Terre le plus d'or, ressource lunaire inattendue.
Une grande partie du discours de Wells/Cavor repose sur la nécessité de communiquer. Mais aussi de protéger une société nouvellement connue des méfaits de l'humain. Que ce dernier se retourne contre lui-même c'est une chose, mais qu'il tente d'exporter sa belligérance, et d'imposer sa suprématie, c'en est une autre moins acceptable.

Spade House ©folkestonehistory.org et warrenpress.netSpade House ©folkestonehistory.org et warrenpress.net

Spade House ©folkestonehistory.org et warrenpress.net


Pour la petite histoire
Lympne, village du Kent où se situe le début de l'histoire est à moins de sept miles de Sandgate dans la continuité de la route où Wells fit construire en 1901 « Spade House », une belle villa côtière. En 1955, la maison devint un hotel qui servait dans son restaurant des repas végétariens, oui, oui. Depuis 1975, elle est classée monument historique et est devenue « The Wells House ». Dans le roman, Cavor, voisin de Bedford, fait accidentellement exploser sa maison et la fait reconstruire un peu plus loin sur la côte. Il y a peut-être là une interaction entre l'action du roman et la réalité du projet de construction de l'auteur.
 

Personnage réels évoqués

• Francis Galton (1822†1911) : Anthropologue, généticien et statisticien britannique. Considéré comme le fondateur de l'eugénisme et de la psychologie différentielle. L'allusion ici fait référence à son article publié en 1896 Intelligible signals between neighbouring stars dans Fornightly Review sur les possibilités de communication entre les planètes et notamment Mars par une démonstration géométrique. Toutefois, Wells parle de lui (“regretté Professeur Galton”) comme s'il était décédé alors que ce n'était pas encore le cas.
• Lord Kelvin (William Thomson 1824†1907) : Physicien irlandais reconnu pour ces travaux sur la thermodynamique et l'introduction d'un « zéro absolu ».
• Johannes Kepler (1571†1630) : Le passage qui fait référence à l'astronome allemand suggère que ce dernier croyait en une « Lune creuse ». C'est en fait un clin d’œil à une fiction lunaire écrite par Kepler en 1608, Le Songe ou l'Astronomie Lunaire, et publiée de manière posthume par son fils en 1634.
• Oliver Joseph Lodge (1851†1940) : Physicien britannique
• Guglielmo Marconi (1874†1937) : Physicien italien, considéré comme un des inventeurs de la radio et de la télégraphie sans fil.
• Karl Pearson (1857†1936) : Mathématicien britannique, un des fondateur de la statistique moderne.
• Nikola Tesla (1856†1943) : Inventeur et ingénieur austro-américain qui prétendait pouvoir construire une machine capable de communiquer avec Mars et d'autres planètes.
• Wilhelm Tötgen (1845†1923) : Physicien allemand, découvreur des rayons X en 1895.

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H.G. Wells cite Mars à plusieurs reprises. Il ne faut pas oublier qu'il est l'auteur de deux chefs d’œuvres martiens : la nouvelle L'Œuf de cristal (1897) et le roman La Guerre des mondes (1898). Et qu'il citait déjà la planète rouge dans L'Étoile, nouvelle parue en 1897, mettant en place en avant ou en filigrane une culture martienne élaborée.

Ainsi, lorsque Cavor découvre le moyen de s'arracher à l'attraction terrestre, il évoque comme destination possible Mars :

- Il y a Mars... une atmosphère claire, un milieu nouveau, une sensation exhilarante de légèreté... Ce serait agréable d'y aller !...
- Il y a de l'air dans Mars ?
- Oui, certes.

Plus loin dans le texte, H.G. Wells évoque Sir Francis Galton (1822†1911), un anthropologue, généticien et statisticien britannique et considéré comme le fondateur de l'eugénisme et de la psychologie différentielle. Mais l'allusion ici fait référence à son article publié en 1896 Intelligible signals between neighbouring stars dans Fornightly Review sur les possibilités de communication entre les planètes et notamment Mars par une démonstration géométrique. Toutefois, Wells parle de lui (« regretté Professeur Galton ») comme s'il était décédé alors que ce n'était pas encore le cas.
Pour illustrer son propos quand aux différents codes de communication, Carvor explique :

Il se peut qu'ils ne comprennent pas notre objection à être traités de la sorte [en parlant des Sélénites]... Tout comme un habitant de Mars pourrait ne pas goûter notre habitude de nous pousser du coude.

La dernière allusion à Mars fait référence à Nikola Tesla (1856†1943), inventeur et ingénieur austro-américain qui prétendait pouvoir construire une machine capable de communiquer avec Mars et d'autres planètes. Il rédigea un article, Talking with planets, publié dans Collier's Weekly le 09 janvier 1901. Mais cet article n'était pas encore publié lorsque le roman de H.G. Wells paraissait en feuilleton entre 1900 et 1901. Mais l'on sait que depuis 1896, Tesla pensait pouvoir transposer son émetteur pour capter des éventuelles ondes radios de l'espace. En 1899, il annonça même avoir capté une série de codes radios numériques cosmiques. Ses théories n'avaient donc pas de secret pour Wells.

Les adaptations notables

Notons qu'en 1902, Georges Méliès s'inspira du roman de H.G. Wells pour son film Voyage dans la Lune. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une adaptation bien que les éléments repris soient plus nombreux que l'autre roman dont il se réclame aussi De la Terre à la Lune de Jules Verne. Lire l'article connexe

Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)
Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)

Photos de la production Gaumont retrouvées de la version de 1919 ©2013 Griffin Media (Cliquez pour agrandir)

C'est en 1919 qu'une première adaptation réalisée par Bruce Gordon (qui y joue le rôle d'Hannibal Hogben, personnage absent du roman) et produite par J.L.V. Leigh de Gaumont Picture sortit sur les écrans. C'était aussi la première adaptation d'un récit de l'écrivain anglais.
La production avait demandé à H.G. Wells de remanier le scénario afin d'intégrer dans cette « scientific romance » une histoire d'amour, absente du roman, pour le rendre plus attrayant. Ce qu'il fit sans sourciller. De même que le personnage de Bedford, calculateur dans le récit, devint un vrai « méchant ». Le tournage eut lieu dans les studios de cinéma de la Gaumont, au Lime Grove Studios de Londres. H.G. Wells s'y rendait régulièrement, seul ou accompagné de sa femme et de ses deux fils, afin de superviser les costumes des Sélénites.
Les défis de la production furent de représenter les héros dans leur sphère voyageant dans l'espace, la différence de pesanteur à la surface de la Lune et les paysages de cette dernière. On fit appel au professeur Gregory, un astronome qui transmit à Leigh les derniers clichés que l'on avait du satellite à l'époque et la Compagnie Marconi prêta du matériel pour les scènes de télégraphie sans fil.

Malheureusement le film est aujourd'hui totalement perdu à l'exception de quelques images de la production qui permirent, en 2013, à Robert Godwin de reconstituer le film en un montage d'une dizaine de minutes.

Source :
H.H. Wells supervises filming of his novel "First men in the moon" dans le Calgary Daily Herald du 23 mai 1919
• Wikipédia anglais

Affiche d'exploitation ©Heritage Auctions

Affiche d'exploitation ©Heritage Auctions

En 1964, Nathan Juran reprend les grandes lignes du roman tout en modernisant le propos scientifique.
« En 1970, la première mission lunaire arrive sur notre satellite pour y découvrir un petit drapeau britannique, accompagnée d'un titre de propriété au nom de la grande reine Victoria et daté de... 1899. Ainsi donc, d'autres avant eux étaient déjà parvenu à faire le voyage mais comment ? »
Soyons clairs : Nathan Juran ébauche une pâle adaptation au regard des intentions de Wells. Peu de choses sont reprises de son discours, ou si succinctement au profit d'une comédie romantique, basée, certes, sur les changements de scénarios déjà orchestrés dans la version de 1919, où était intégré un personnage féminin, absent du roman.
Cette transposition souffre aujourd’hui d'un aspect ultra kitch et les effets spéciaux du célèbre Ray Harryhausen, que l'on connaît pour ces fabuleuses animations image par image de Jason et les Argonautes ne sont pas à la hauteur de sa réputation. Il a sans doute cherché à s'inspirer des costumes de 1919, mais en couleur ces pyjamas qui donnent l'apparence d'insectes aux Sélénites sont totalement grotesques. Ce qui passait très bien au début du siècle en noir et blanc et paraissait même très novateur, devient totalement ridicule avec la couleur et quarante ans plus tard alors qu'on bénéficiait de moyens plus grands.
A voir, si vous êtes fans de décors carton-pâte.

 


Crédits images & textes ©2018-2022 Erwelyn - Article publié sur l'ancien blog de la librairie Soleil Vert en mai 2018 et mis à jour en mai 2022 - Ne pas reproduire sans autorisation

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C
Désolé de faire le correcteur, Herveline, mais "le manque d'apesanteur à la surface de la Lune" ???!!!
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H
Ne soit aucune désolé ! Au contraire ! Non contente de faire un pléonasme, il s'avère qu'en plus il est faut. Pesanteur/Apesanteur, mon gauche/droite à moi. J'ai corrigé.