11 Novembre 2019
L’histoire
Le professeur Barbenfouillis (Georges Méliès, lui-même) et cinq autres savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la Lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la Lune, ils assistent à un coucher de Terre et découvrent des champignons géants. Ils y rencontrent aussi ses habitants : les Sélénites, échappent à leur Roi et reviennent sur la Terre grâce à leur obus resté en équilibre sur un bord de Lune. Tombés dans l’océan, ils sont repêchés par un navire. Ovations, décorations et défilé triomphal pour les six héros de cette aventure spatiale.
Georges Méliès (1861†1938) s’est inspiré de moitié du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune (1865) avec la fusée-obus tirée vers la Lune et de l'autre du roman de H.G. Wells Les Premiers Hommes dans la Lune (1901) dont il reprend un grand nombre d'éléments : l'arrivée dans une zone enneigée, la vie souterraine, ses champignons phosphorescents, la rencontre et le combat avec les Sélénites, des hommes-insectes de constitution très fragile (un simple coup sur la tête suffit à les faire disparaître). La narration est linéaire, enchaînant des tableaux vivants (une trentaine), un style théâtral courant dans les débuts du cinéma. Mais Georges Méliès fait preuve d’une très bonne maîtrise du scénario et de la technique de l’époque car ces tableaux renseignent suffisamment le spectateur pour qu’aucun intertitre (ou ardoises) n’ait été nécessaire. Le récit demeure à tout moment compréhensible.
L'Indépendant du Cher du 03 août 1903 - Les films du début du cinématographe étaient projetés par les forains. Rares sont les fois où le réalisateur était cité.
Les trucages sont pour la première fois employés à dessein artistique. Certains sont issus encore du théâtre (perspectives forcées, trappes …), d’autres sont purement cinématographiques : la surimpression durant le rêve des astronautes, la disparition subite des Sélénites pendant les scènes de combat (le truc avait été découvert accidentellement par Méliès), maquettes, caches, fondus enchaînés…
Plusieurs mois de tournage sont nécessaires pour tourner ce film mettant en scène des décors peints et de nombreux figurants. Réalisé dans un atelier de Montreuil-sous-Bois, le film coûta 10 000 francs, somme énorme pour l’époque. Le décor était important mais aussi les costumes, notamment ceux des Sélénites, qui durent être exécutés par un fabricant de masques habitué à mouler le carton.
En plus de mettre déjà en application certains codes simples universels du cinéma (par exemple, les personnages se déplacent de la gauche vers la droite de l’écran lorsqu’ils se dirigent vers la Lune, puis de la droite vers la gauche lorsqu’ils rentrent sur Terre), Méliès inaugure la féerie - ce que l’on appellera plus tard le fantastique ou la science-fiction - et il est le premier à adopter une démarche artistique dans l’application d’effets spéciaux.
Cette féerie baroque donne dans le registre comique. Et de nombreuses scènes de danse dans la tradition du music-hall accompagnent l’ensemble. Dans un premier tableau, les scientifiques sont affublés de chapeaux pointus et de robes étoilées qui évoquent les personnages de Nostradamus ou de Merlin l’Enchanteur. Sur la rampe de lancement, des jeunes filles chichement vêtues (jouées par des danseuses du Châtelet) dansent et, en fanfare, allument la mèche du canon qui va propulser la fusée dans l’œil de la Lune. Quant à l’arrivée sur la Lune, c’est une débauche de découvertes, toutes plus extravagantes les unes que les autres jusqu’à l’entrée en lice des Sélénites (interprétés par des acrobates des Folies-Bergère), habitants de la Lune que les scientifiques combattent plutôt efficacement grâce à leur… parapluie.
Le caractère outrancier des décors et des ressorts du scénario sert ainsi une forme de satire de la science conquérante. Les scientifiques sont des vieux messieurs farfelus, approximatifs (le schéma de l’expérience proposée, dessiné au tableau par le chef de l’expédition, est des plus dépouillé), orgueilleux et volontiers belliqueux. La dernière scène met singulièrement à mal l’arrogance scientifique représentée par une statue qui, pour illustrer l’aventure des pionniers, est constituée d’un personnage grotesque écrasant littéralement l’astre lunaire sous son pied.
Le Voyage dans la Lune fut abondamment plagié. Néanmoins, c’est encore le réalisateur lui-même qui s’y illustra le mieux jusqu’à ce que le genre féérique qu’il a créé tombe en désuétude. En effet, l’œuvre est étroitement liée à la personnalité de l’auteur illusionniste d’expérience. Les contemporains de Méliès ne possédaient pas la formation ni la compétence qui leur auraient permis d’enrichir voire d’égaler ses films sur ce terrain.
Anecdote trouvée il y a quelques années sur analysefilmique.free.fr (lien inexistant aujourd'hui) :
Ce film fut au début mal accueilli par les forains. C’était en effet eux qui, à l’époque, projetaient les films. On comprend leur réticence d’en diffuser un de plus de 15 min alors qu’ils avaient l’habitude de durées inférieures à 3 minutes. Un film plus long signifiait moins de spectateurs et donc moins de recettes. Malgré tout, grâce au bouche à oreille, le film sera diffusé auprès de millions de forains dans le monde ce qui permit à Méliès d’obtenir une réelle notoriété.
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Lors d'un colloque d'astronomie, le professeur Barbenfouillis crée l'événement en faisant part à l'assemblée de son projet de voyage dans la Lune. Il organise ensuite la visite à ses confrèr...
https://www.legaliondesetoiles.com/Le-Voyage-dans-la-Lune--1902_a905.html
Georges Méliès Le voyage dans la lune ♥♥♥ (1902) [0h15, N/B]
• Sur Youtube • Sur Youtube dans sa version remastorisée et colorisée
Crédit texte © 2013-2022 Erwelyn - Article écrit pour le forum CobaltOdyssée en septembre 2013 et remis à jour en mai 2018 pour l'ancien blog de la Librairie Soleil vert - Ne pas reproduire sans autorisation
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